Intervention de Bernadette Laclais

Séance en hémicycle du 29 janvier 2015 à 15h00
Respect du choix de fin de vie pour les patients — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernadette Laclais :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, en abordant la question de la fin de vie, nous avons tous conscience d’être face à un enjeu particulier, qui nous concerne tous et nous implique dans ce qu’il y a plus intime pour chacun d’entre nous. Il est peu de sujets à propos desquels il faut composer à ce point avec une double dimension : d’une part, le droit de la personne, en tant qu’individu, à garder la maîtrise de son destin et de voir respecter au mieux ses souhaits ; d’autre part, le devoir de la société de garantir la protection des plus fragiles, des plus vulnérables et de prévenir tout risque d’excès, dont on ne peut jamais dire à l’avance qu’il existe ou n’existe pas.

En outre, il y a dans notre pays une insupportable distorsion entre les textes et la réalité, phénomène que son ampleur rend très concret. Les textes, qu’ils soient législatifs ou réglementaires, ont permis, au fil des années, des avancées indiscutables, mais la réalité quotidienne nous renvoie un chiffre tout simplement dramatique : aujourd’hui, dans notre pays, une personne sur trois connaît une fin de vie dans la souffrance et ne bénéficie d’aucun traitement sédatif ou antalgique. Force est de constater que les textes sont mal connus, mal appliqués. Pourtant, ils existent, et les soins palliatifs, vous l’avez tous dit, sont insuffisants, malgré les efforts que Mme la ministre nous a rappelés tout à l’heure. Le rapport Sicard, rendu public au mois de décembre 2012, résume en une phrase la situation : « La loi Leonetti est un chemin mal connu et mal pratiqué, et qui répond pourtant à la majorité des situations. »

Devant cette situation, le Président de la République a fait le choix, que je veux saluer, d’un débat approfondi et de la recherche d’un consensus avec, d’abord, la commission Sicard, puis le CCNE, qui a rendu un avis confirmant les conclusions du rapport Sicard. Enfin, il a missionné deux parlementaires dont les compétences et la connaissance du sujet ne peuvent être remises en cause par personne : Alain Claeys et Jean Leonetti. Leur travail comporte une proposition de loi qui devra être examinée au début du mois de mars dans notre hémicycle. Cette proposition de loi, à mes yeux, a plusieurs mérites. Elle met bien le patient au coeur du dispositif, avec le renforcement de la valeur des directives anticipées. Elle renforce la place de la personne de confiance. La proposition de loi admet aussi « une sédation profonde et continue jusqu’au décès ».

Il est normal que ce texte puisse faire débat. Pour ma part, je me réjouis que nos échanges, jusqu’à présent, aient été, dans leur grande majorité, sereins, car j’ai toujours pensé qu’il fallait aborder ce sujet sans posture, sans idéologie, et en écoutant chacun. Nous ressentons tous l’aspiration de nos concitoyens à un tel débat. C’est un élément à prendre en compte bien sûr, mais, à l’épreuve des faits, nous avons tous constaté que l’opinion qu’avait une personne en bonne santé est susceptible d’évoluer lorsque celle-ci est confrontée à la réalité de la maladie. Nous avons tous constaté combien, aussi, tel refus ou telle détermination tranchée n’est plus soutenu avec la même assurance face à un proche dont on ne supporte plus les souffrances ou face à une décision à prendre dans un contexte d’émotion extrême, de fatigue, de vulnérabilité, décision qui, pourtant, nous accompagnera le reste de notre vie. Souvent, je me demande si ceux qui nous disent vouloir partir le veulent pour eux ou ne supportent plus de voir leurs proches souffrir pour eux.

J’entends ceux qui, au nom de la liberté, demandent de choisir le moment où ils partiront, mais j’entends aussi ceux qui disent vouloir que personne ne choisisse à leur place, qui veulent être entendus, et pour lesquels leur liberté c’est aussi de partir entourés d’affection, aimés, apaisés, parce que délivrés de la souffrance physique. C’est précisément le point d’équilibre auquel, je crois, nos collègues Leonetti et Claeys sont parvenus.

Pour toutes ces raisons, je plaide pour que le droit d’accès aux soins palliatifs soit réaffirmé dans la loi avec force et, surtout, rendu possible partout, pour que chacun puisse en bénéficier où qu’il se trouve. Nous sommes loin du compte, et nous savons que la qualité de ces soins modifie parfois le regard que le malade porte sur la dignité de sa propre fin. Je souhaite également que le débat nous permette de nous réinterroger sur l’image que notre société se fait de la mort, trop souvent cachée, que nous puissions également aborder la fin de vie en service de néonatalogie, et la place des parents, ainsi que la formation des médecins.

Je souhaite que nous poursuivions encore notre réflexion en examinant la proposition de loi déposée par MM. Claeys et Leonetti, ce qui m’amènera à repousser celle qui nous est aujourd’hui présentée. Je respecte le travail et l’engagement de Véronique Massonneau dont je salue la qualité d’écoute. J’ai aussi apprécié la mesure dont nos collègues ont fait preuve dans leurs propos, mais nous ne pouvons souscrire à cette proposition de loi car elle ne s’inscrit pas dans l’état d’esprit que je viens d’évoquer : elle ne peut constituer le point de rassemblement que nous pouvons espérer sur ce sujet.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion