Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du 29 janvier 2015 à 15h00
Sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Rendons à César ce qui appartient à César. J’étais l’un des co-rapporteurs de la loi « Grenelle II » : il n’était pas facile d’imposer l’idée de rendre possibles des poursuites contre les sociétés mères en cas de pollution généralisée par l’activité d’une filiale. Nous avons remporté ce combat, en trouvant d’ailleurs un équilibre – car nous ne rêvons pas d’une France sans entreprises.

Il a fallu aussi lutter pour la généralisation des règles de la responsabilité sociale et environnementale, à travers des critères et des indicateurs précis. Philippe Noguès s’exprimera certainement sur ce sujet, qu’il connaît bien. Ce fut un parcours semé d’embûches. Une fois n’est pas coutume, nous avons entraîné l’Europe dans notre sillage. Je pense aussi à nos actions en faveur du commerce équitable, notamment la protection de l’appellation, et à la loi Savary du 10 juillet 2014, qui établit une responsabilité conjointe et solidaire des donneurs d’ordre avec les sous-traitants, afin de lutter contre les fraudes et les stratégies systématisées d’optimisation sociale.

Faut-il aller plus loin et, comme le préconisent les auteurs de la proposition de loi, réprimer les atteintes à la santé, à l’environnement et aux droits fondamentaux commises par les filiales et les sous-traitants de firmes françaises ? Une telle réforme permettrait-elle d’empêcher de nouveaux drames, en France et à l’étranger ? Elle suppose en tout cas de mobiliser l’ensemble des acteurs, plutôt que de leur imposer de nouvelles contraintes.

Cette proposition de loi opère un renversement de la charge de la preuve : la faute de l’entreprise serait présumée en cas de manquement à son devoir de vigilance. Cela n’est pas anodin, et j’aimerais connaître l’avis d’Emmanuel Macron sur ce sujet. Il reviendrait donc aux entreprises d’apporter les éléments permettant d’apprécier les efforts accomplis pour éviter la survenance des dommages. Celles-ci pourraient être tenues responsables de tout manquement à l’obligation de vigilance. Inverser la charge de la preuve en faisant reposer sur les entreprises une présomption quasi irréfragable, tant civile que pénale, basée sur un simple manquement à un devoir de vigilance, est juridiquement contestable. Il s’agit ni plus ni moins que de bouleverser le système français de responsabilité !

En outre, la mise en oeuvre de ce dispositif placerait la France dans une situation inédite en Europe, puisqu’aucun de nos voisins européens n’a adopté une législation aussi restrictive et pénalisante pour les entreprises. Nous devrions plutôt oeuvrer pour faire avancer l’Europe dans la bonne direction – ce que vous faites, monsieur le secrétaire d’État – et engager dès aujourd’hui un combat structurant pour son essor économique, social et environnemental.

Le fait qu’une proposition de loi, déposée en des termes identiques par quatre groupes, ne recueille plus l’approbation de l’ensemble de ces groupes au jour de son examen démontre que le dispositif proposé n’est pas la bonne solution.

En outre, les discussions menées au sein de la plate-forme RSE – un processus démocratique qu’il serait bon de respecter – n’ont pas permis d’aboutir à un consensus sur l’opportunité d’une législation reconnaissant la responsabilité des entreprises vis-à-vis de leurs filiales ainsi qu’entre donneurs d’ordre et sous-traitants.

Nous devrions d’abord réfléchir à l’appropriation des critères de RSE, à leur généralisation, à la mobilisation de l’ensemble des acteurs. Nous devrions penser aux façons d’améliorer la diffusion des principes et l’information des consommateurs. J’ai rencontré beaucoup de directeurs du développement durable de grands groupes : les efforts sont considérables ! Dominique Potier ne peut l’ignorer !

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