Intervention de Emmanuel Macron

Séance en hémicycle du 30 janvier 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 11

Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique :

J’ai bien entendu les arguments, déjà exposés lors du long débat en commission spéciale. Monsieur Houillon, cet article a été examiné par le Conseil d’État, qui a validé le caractère proportionné des dispositions, eu égard à la liberté de commerce et au droit de propriété. Par ailleurs, ce dispositif a été validé par le Conseil constitutionnel dans la loi relative à la Nouvelle-Calédonie, qui prévoyait le prononcé d’injonctions structurelles au cas où une part de marché dépasserait 25 %, tous secteurs et tous commerces confondus.

Votre argumentaire sur le droit de propriété serait valable si le texte prévoyait une expropriation. Or le dispositif ne peut déboucher que sur une vente forcée, ce qui n’est pas comparable puisque les bénéfices de la vente reviennent à l’enseigne propriétaire, avec, certes, une moindre plus-value. C’est l’usage du droit de propriété qui est touché, mais en aucun cas nous n’attentons au droit de propriété lui-même. Votre argument n’est donc pas valide.

Madame Louwagie, l’Autorité de la concurrence intervient en cas d’existence d’une position dominante et de détention d’une part de marché supérieure à 50 % des parts de marché, accompagnée de prix ou de marges s’écartant de la moyenne constatée. Ces critères sont objectifs. Ainsi, les pratiques de prix communément observées dans les zones de montagne sont justifiées par l’éloignement et la difficulté d’accès. D’ailleurs, et c’est logique, les prix, un peu supérieurs à la moyenne nationale, ne se répercutent pas par une marge supérieure. Par contre, dans certaines zones où l’on observe une surconcentration d’enseignes – comme je l’ai dit en commission spéciale, essentiellement dans une partie de la région parisienne et en Corse – on trouve des pratiques de prix et de marges qu’aucune explication objective ne justifie.

Si vous le lisez avec la rigueur dont vous avez fait montre en commission spéciale, monsieur le député Houillon, ce texte ne prévoit pas une sanction, mais un contradictoire et des mesures de correction. C’est seulement si l’enseigne ne prend pas ces mesures que l’Autorité de la concurrence peut enclencher un mécanisme de sanction. À aucun moment le constat de la position dominante avec pratiques excessives ne conduit à une sanction directe. Et surtout, il ne peut y avoir de mesure d’expropriation ainsi que vous l’avez mentionné, mais une procédure de vente forcée, qui ne porte pas atteinte au droit de propriété.

Ce dispositif est proportionné, et bien connu. Je veux rassurer M. le député Cherpion : il est en vigueur ailleurs, notamment en Grande-Bretagne. Et pour le rassurer complètement, je peux citer plusieurs enquêtes dont celle réalisée par la BCE en 2010 et réactualisée en 2012, qui place la France au dixième rang des plus forts taux de concentration, après la Finlande, le Portugal, loin derrière l’Espagne et la Grande-Bretagne. Oui, la zone de chalandise est une notion documentée, connue des textes européens et des enceintes européennes. Ce que nous cherchons ici à corriger, ce sont quelques pratiques excessives et qualifiées comme telles, qui créent une situation nuisible aux consommateurs et aux producteurs.

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