Intervention de Philippe Houillon

Séance en hémicycle du 2 février 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 13

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Houillon :

Nous en arrivons à l’article 13 qui, je l’imagine, va également nous occuper un certain nombre d’heures. Il concerne les règles de postulation des avocats. Cet article ne traite pas que de cela, mais c’est à ce stade l’essentiel. Nous passerions du système de postulation actuel, attaché à un tribunal de grande instance, à une postulation dans le ressort d’une cour d’appel.

Le premier problème à signaler est qu’il n’y a pas eu d’étude d’impact de cette mesure. Plus exactement, il y en a eu une, réalisée par le Conseil national des barreaux. Elle conclut à une perte d’un certain nombre de millions d’euros pour cette profession, déjà parmi les plus paupérisées des professions juridiques, puisque pour les 60 000 avocats de France, le revenu médian est de l’ordre de 3 000 euros, ce qui veut dire qu’il y en a 30 000 qui gagnent moins que cela.

La première des choses avant d’opérer cette modification substantielle eût été de procéder à une étude d’impact digne de ce nom, afin de déterminer quelles seraient les conséquences prévisibles de la suppression de la postulation attachée au tribunal de grande instance pour l’étendre au niveau de la cour d’appel. Cette étude d’impact n’a pas été réalisée.

Le deuxième problème soulevé, qui a déjà été abordé lors de nos débats en commission spéciale, est celui de l’indemnisation. Le texte n’en dit rien, alors qu’il s’agit de supprimer par la loi, ou en tout cas de modifier substantiellement, un monopole. L’État vient dire, par exemple, que les cent avocats inscrits près le tribunal de grande instance X seront désormais concurrencés par les mille autres avocats du ressort de la cour d’appel. Le monopole est donc bien entamé, et mécaniquement, s’ensuit une question d’indemnisation. Or, celle-ci n’est pas abordée par ce texte.

Je connais, monsieur le ministre, la réponse que vous allez probablement m’apporter dans l’hémicycle, puisque vous me l’avez déjà donnée lors des débats en commission spéciale. Cela étant, vous avez pu évoluer : vous l’avez bien fait pour le corridor ! Ça n’a certes pas été dans le bon sens, puisque vous êtes allé vers plus de complexité, mais on ne sait jamais, vous pouvez évoluer aussi sur le sujet de la postulation des avocats et considérer que dès lors que l’État change les règles du jeu et que cela crée un préjudice, il y a matière à indemnisation.

Votre réponse a été de dire que vous ne supprimiez pas un monopole, mais qu’au contraire vous l’étendiez. C’est une vision un peu rapide des choses, me semble-t-il, car vous modifiez bien de manière substantielle un monopole, et cette modification substantielle est susceptible d’entraîner un préjudice. Et comme vous n’avez pas évalué ce dernier, vous ne pouvez pas répondre sur sa réalité même, ni a fortiori le quantifier. La question est posée, et nous la soulèverons probablement si un recours est déposé devant le Conseil constitutionnel, car je ne crois pas que l’on puisse entamer un monopole sans prévoir aucune indemnisation. Cela me paraît totalement exclu.

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