Intervention de Jean-Jacques Candelier

Séance en hémicycle du 5 février 2015 à 9h30
Conditions d'accès aux installations nucléaires de base — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, on peut être pour ou contre le nucléaire comme source d’énergie. Mais nous devons tous être pour sa sécurisation. L’intrusion répétée de militants anti-nucléaires dans les installations nucléaires de base françaises – les INB selon le jargon technique – n’est pas acceptable.

Ces intrusions, de plus en plus fréquentes, posent problème. Elles posent un problème de sécurité. Elles présentent un risque pour les salariés des centrales, pour les gendarmes des pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie, mais aussi pour les militants eux-mêmes.

Actuellement, les exploitants des sites ne peuvent porter plainte que pour violation de domicile. Pour cela, les intrus encourent seulement quelques mois de prison avec sursis.

On peut aisément convenir que l’environnement juridique applicable à ces sites n’est pas adapté. Initialement, la proposition de loi tendait à renforcer les conditions d’accès aux INB en les classifiant « zones de défense hautement sensibles ».

Cette classification aurait dégagé les militaires de toute responsabilité pénale et les aurait autorisés à faire usage de la force armée, si nécessaire. J’ai posé la question en commission d’un possible effet pervers d’une telle classification d’installations civiles.

Bien entendu, les gendarmes suivent un protocole d’action sur l’usage de la force, pour empêcher les intrusions et menaces. Mais on n’est jamais à l’abri de drames humains.

Après l’adoption d’un amendement du rapporteur et de notre collègue Boisserie, nous pouvons être satisfaits de l’évolution de la proposition de loi dans laquelle il n’est plus question de zones de défense hautement sensibles.

Le texte propose de rendre l’intrusion dans des " installations civiles abritant des matières nucléaires " passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Les peines seraient portées à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en réunion ou lorsqu’elle est précédée, accompagnée ou suivie d’un acte de dégradation ; et à sept ans et 100 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise avec l’usage ou sous la menace d’une arme.

Ces sanctions pénales se substituent à la disposition initiale qui autorisait les militaires à faire plus facilement usage de la force armée en cas d’intrusion.

La création de ce délit spécifique est satisfaisante. Comme l’a souligné le rapporteur, le fait de pénétrer illégalement dans un site civil abritant des matières nucléaires ne peut être juridiquement poursuivi et puni de la même manière que l’intrusion dans un appartement.

Bien entendu, et nous en avons convenu, ce nouveau délit ne fera pas obstacle pour des terroristes déterminés, en particulier ceux qui se réclament d’un terrorisme médiatique et sacrificiel. Ces fous sont aveugles et insensibles aux condamnations encourues.

Mais ce délit pourra, par ricochet, priver des individues dangereux d’opportunités d’entrées sur ces sites sensibles.

En effet, si les organisations jusqu’à présent à l’origine des intrusions sont effectivement non violentes, on ne peut pas écarter le risque que de faux militants, mal intentionnés, s’infiltrent dans leurs rangs.

En clair, un terroriste pourrait rejoindre Greenpeace ou toute autre organisation pacifiste pour commettre un attentat. Ce risque est d’autant plus grand que ces organisations militantes n’ont pas vocation à « filtrer » leurs recrues et qu’elles n’ont de toute manière pas les moyens d’enquêter sur leurs membres.

Empêcher toute manifestation dans les centrales est donc une bonne chose. Cela ne porte pas atteinte aux libertés.

L’article 2 de cette cette proposition de loi a trait au survol par des drones. Depuis quelques mois, la majorité des centrales nucléaires françaises ont été survolées par des drones, dans des opérations coordonnées.

Ces engins volants, de plus en plus utilisés pour la guerre,sont-ils une menace pour la sécurité de la France ?

Rappelons que notre pays est le deuxième producteur d’énergie nucléaire au monde, derrière les États-Unis : 75 % de notre électricité est produite par cinquante-huit réacteurs nucléaires répartis dans dix-neuf centrales, ce qui fait du nucléaire une source d’énergie incontournable. Avec la sécurité des centrales, c’est la sécurité énergétique de notre pays qui est en jeu, et donc sa vulnérabilité.

Depuis le début du mois d’octobre 2014, dix-sept sites nucléaires ont déjà été survolés par des drones très perfectionnés, et ce régulièrement. Ainsi, le premier survol « d’un aéronef assimilable à un drone » a été détecté le 5 octobre au-dessus d’une centrale en déconstruction, dans l’Isère.

Bien sûr, l’espace aérien au-dessus des centrales nucléaires est formellement réglementé. Le survol d’une centrale nucléaire, dans un périmètre de 5 kilomètres et en dessous de 1 000 mètres d’altitude, est strictement interdit. Le risque terroriste exige une protection importante de l’espace aérien des centrales, surveillé par l’armée de l’air dans le cadre d’un protocole avec EDF.

Officiellement, ces mystérieux survols, dont les motivations demeurent indéterminées, seraient sans conséquences : les drones évoqués par les témoins sont « des mini-drones », « en vente dans le commerce », d’après le porte-parole de l’armée de l’air. Au vu de la taille de ces engins, il n’y a, selon l’armée, « pas de menace avérée contre les installations en elles-mêmes ». EDF aussi se veut rassurant.

Cependant, je suis inquiet de voir que l’État est incapable de faire cesser le survol de centrales par des drones. D’après moi, il existe une menace terroriste réelle pour les piscines d’entreposage du combustible irradié, qui peuvent être la cible de bombes. Il faut s’occuper du problème.

Avant le 30 septembre 2015, le Gouvernement remettrait au Parlement un rapport évaluant les risques et menaces que constituent les survols illégaux par des aéronefs télépilotés.

Ce rapport présenterait les solutions techniques et capacitaires envisageables afin d’améliorer la détection et la neutralisation de ces appareils, ainsi que les adaptations juridiques nécessaires afin de réprimer de telles infractions.

En annonçant d’ores et déjà notre vote positif sur ce texte, je souhaite conclure en félicitant les militaires pour leur travail difficile de sécurisation et de protection de nos sites nucléaires.

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