Intervention de Emmanuel Macron

Séance en hémicycle du 6 février 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 34

Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique :

Nous ne proposons pas ici d’y revenir.

Observons la réalité des prélèvements sociaux sur l’actionnariat salarié et les AGA.

Lorsque ces dernières ont été mises en place, le taux du forfait social était de 2 %, ce qui avait justifié une taxation spécifique des actions de performance.

Comme vous le savez, à la suite des augmentations successives décidées d’ailleurs aussi bien avant qu’après 2012, le taux s’élève désormais à 20 %. Rien ne justifie donc plus la majoration complètement exorbitante du droit commun. Nous proposons, avec ce texte, de revenir au droit commun.

Afin de tenir compte de la situation particulière des PME et des entreprises qui, au vu de leurs besoins d’investissements, manquent de liquidités – et aussi pour vous rassurer pleinement, monsieur le député Sansu – certaines d’entre elles n’auront pas à s’acquitter du forfait social. Tel est l’aménagement prévu par ce texte.

Dans le cas présent, il s’agit des PME qui n’ont jamais distribué de dividendes depuis leur création, l’exonération s’appliquant dans la limite du plafond annuel de la Sécurité sociale, soit, 38 040 euros par période de quatre ans.

La deuxième simplification concerne l’impôt sur le revenu.

Actuellement, deux calculs sont effectués sur les gains de cession d’une action de performance : le premier, sur le gain dit d’attribution, qui est imposé comme un salaire, le second, sur la plus-value éventuellement réalisée ultérieurement, imposée comme une plus-value avec l’application des abattements pour durée de détention.

Nous proposons d’harmoniser ces modalités d’imposition et d’appliquer à l’ensemble du gain l’abattement pour durée de détention. Nous proposons donc de faire rentrer ces actions dans le droit du régime d’imposition des plus-values mobilières.

En outre, cette mesure renforcera l’incitation des bénéficiaires d’actions de performance à conserver ces titres, au bénéfice de la stabilité du capital des entreprises qui les allouent.

On revient en effet à un délai de détention de quatre ans au lieu de huit ans pour le régime des plus-values mobilières classiques.

Pardon de vous le dire, monsieur le député Cherki, mais il me semble que vous avez comparé deux choses qui, précisément, ont été distinguées par Mme la députée Berger : le financement des entreprises et la rémunération des salariés.

Quatre ans, lorsque vous êtes salarié d’une entreprise, ce n’est pas un profit immédiat ! Lorsque l’on regarde les autres dispositions en vigueur, cela suppose que le salarié ne fasse pas un « aller-retour », comme on dit.

Vous avez, quant à vous procédé à une comparaison avec des modalités de financement de filières. Or, nous ne parlons pas ici de financement des entreprises ou de celui de la filière énergie ou nucléaire.

Nous parlons de modalités de rémunération de salariés. Il n’y a aucun caractère spéculatif. Le salarié est fidélisé à travers une durée de rétention mais celle-ci n’a rien à voir avec les durées de financement de l’économie.

Troisième simplification : par coordination, nous proposons de soumettre l’ensemble du gain réalisé suite à la cession aux prélèvements sociaux sur les revenus du capital, soit, au taux cumulé de 15,5 % alors que la partie correspondant aux gains d’acquisition est actuellement soumise aux prélèvements sociaux sur les revenus d’activité au taux de 8 %.

Enfin, la quatrième mesure de simplification consiste à assouplir les modalités juridiques d’attribution des actions de performance pour mieux tenir compte de la diversité des situations des entreprises, en réduisant la période minimale à partie de laquelle leur attribution peut être définitive.

Le rapporteur M. Castaner l’a dit très clairement, les baisses subséquentes d’impôts tiennent compte du fait que les actions de performance ne peuvent être aujourd’hui utilisées que par des sociétés très financières, qui ont énormément de liquidités, mais non par les sociétés productives. Quand une entreprise veut accorder par une action de performance un complément de rémunération de 100 euros nets d’impôts et de charges à ses salariés, cela lui coûte 320 euros au total. Je tiens à votre disposition les comparaisons avec les autres pays d’Europe continentale, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté. Elles vous montreront à quel point nous sommes absolument hors compétition.

Nous sommes arrivés à un point où l’imposition sociale et fiscale de la plus-value d’acquisition à la charge de l’entreprise atteint plus de 110 % de la plus-value d’acquisition soumise à CSG pour le salarié. Si je reprends le même exemple, après la réforme, l’employeur déboursera 195 euros, ce qui n’est pas rien – c’est près du double du gain net que recevra le salarié. Pour le bénéficiaire – j’exclus ceux imposés au taux marginal le plus élevé –, le taux d’imposition effectif global s’établira au moins aux alentours de 40 %.

Il suffit pour le comprendre de décomposer ce que je viens de dire : la fiscalité sociale – CSG, CRDS – représente 15,5 % ; dans le meilleur des cas, si on applique le régime des plus-values mobilières voté en 2013, le taux d’impôt sur le revenu pourrait être abaissé à 22,5 % ; selon le niveau de revenus, peuvent encore s’ajouter les 4 % de contribution additionnelle, mais même sans ces 4 %, on arrive à un taux d’imposition de 38 %, sans parler du cas de ceux imposés au taux marginal le plus élevé. Il n’est pas question de baisser le taux d’imposition à 10 %, 15 % ou 20 %, comme j’ai pu le lire dans plusieurs articles, dont les auteurs ont, je le pense, omis de prendre en compte l’augmentation prévue de la fiscalité sociale.

Pardon d’être entré dans la technicité de ce texte, mais ces précisions me semblaient indispensables. J’assume totalement son ambition. S’agissant des chiffrages fiscaux – nous avons longuement discuté en commission spéciale des chiffrages sociaux –, les chiffres qui sont souvent cités n’ont aucun sens et ne correspondent pas à la réalité. En effet, compte tenu de la mécanique même de cette mesure, notamment des délais de détention, l’impact fiscal ne sera pas perceptible avant 2018 ou 2019. Ainsi, les chiffres avancés par plusieurs ne sont pas réalistes et en tout cas ne viennent pas grever les chiffres, qui étaient des majorants, dont nous avons discuté en commission. J’espère avoir répondu aux questions techniques et exposé la philosophie de l’article. Je donne bien sûr un avis défavorable à l’amendement de suppression.

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