Intervention de Pascal Cherki

Séance en hémicycle du 6 février 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 34

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Cherki :

Je répète que l’une de vos grandes qualités est la franchise. Vous avez dit que vous assumiez complètement ce texte. Je vous en remercie, car cette franchise permet de mesurer nos points d’accord et de désaccord. Je conviens qu’il faille tenir compte de l’attractivité des jeunes entreprises innovantes pour les business angels, comme l’a dit Luc Belot. Je suis favorable à un dispositif ciblé sur ces entreprises. Ce sont des entreprises naissantes, qui n’ont pas nécessairement les moyens de rémunérer leurs collaborateurs sous forme de salaires : elles peuvent leur distribuer des actions et les associer au risque. Elles organisent un système qui soit crédible et répondent à une préoccupation qui revêt une dimension quasiment culturelle, dans un milieu où les entrepreneurs sont généralement assez jeunes, se lancent et peuvent avoir connu un premier échec professionnel. À cela, il n’y a rien que de normal.

Mais je vous remercie d’avoir dit avec franchise, et en assumant même la philosophie du dispositif, qu’il était normal que les grands groupes bénéficient aussi d’un tel dispositif. Sur ce point, je ne suis pas d’accord. On peut le comprendre pour les petites entreprise, mais dans un grand groupe, la rémunération doit être versée sous forme de salaires. En distribuant des actions gratuites, on ne verse pas seulement un complément de rémunération, mais on diffuse une culture de la distribution des actions et, à terme, la distribution des dividendes deviendra la priorité.

Je peux vous démontrer que cette disposition a un impact sur l’économie. Prenons l’exemple d’un grand groupe, Total, qui est l’un de vos interlocuteurs : ce groupe doit attirer les talents, réfléchir à sa stratégie d’investissement, de recherche et développement et à son rang mondial – je ne parle pas des impôts qu’il devrait ou non payer en France. À la suite de la chute des cours du pétrole, Total a indiqué qu’il allait réduire ses investissements, comme un certain nombre d’autres compagnies, mais que s’il y a bien quelque chose qu’il ne réduirait pas, ce sont les dividendes versés à ses actionnaires. Voilà où peut conduire, dans les grands groupes, une culture économique centrée sur l’actionnariat et le versement des dividendes. Que les grands groupes puissent bénéficier de ce dispositif posera à terme un problème.

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