Intervention de Brigitte Curmi

Réunion du 28 janvier 2015 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Brigitte Curmi, conseillère des affaires étrangères et chargée de mission au CAPS :

C'est le mariage entre la recherche et les options diplomatiques qui caractérisent le travail du CAPS. Vos nombreuses questions doivent nous encourager à pousser plus loin notre démarche.

Madame Guittet, l'inexistence d'une hiérarchie couvrant l'ensemble du monde islamique et l'absence d'une référence et d'une autorité désignée de l'islam – comparable au Vatican pour le catholicisme – font que fleurissent, pour le meilleur et pour le pire, les tendances que nous avons schématiquement décrites ; cela rend en effet difficile de savoir avec quel interlocuteur dialoguer. Mais l'intérêt de démêler l'amalgame est de situer les lignes de fracture : notre travail est exempt de complaisance et ne minimise pas le danger ; au contraire, c'est précisément pour cerner la nature – clairement djihadiste – de ce dernier qu'il faut opérer des différenciations. En effet, tenter d'éradiquer tout ce qui pourrait, de près ou de loin, être qualifié d'islam ou d'islamisme ne constitue pas une stratégie efficace. Malgré les difficultés, l'inclusion des islamistes dans la transition tunisienne porte ses fruits ; au contraire, la tendance éradicatrice pourrait conduire à un résultat désastreux : celui de les radicaliser.

Les cinq écoles du salafisme me semblent relever d'une erreur de catégorisation ; je laisse Stéphane Lacroix répondre à cette question.

Le monde musulman arabe est majoritairement sunnite. Comme le notent les chercheurs auditionnés par notre groupe de travail, la fracture sunnite-chiite est apparue récemment, après plusieurs siècles de cohabitation pacifique. Son instrumentalisation en fait un phénomène plus politique que religieux.

Parmi les courants islamistes, nous devrions dialoguer avec ceux qui refusent la violence et acceptent le principe de l'alternance démocratique– deux principes qui doivent être inscrits dans le marbre pour permettre un échange fructueux. C'est la ligne que l'on tient dans nos ambassades et lorsque nous recevons des personnalités du monde arabe et musulman à Paris.

Pour avoir été en poste dans cette région, je sais que nos partenaires – dont l'attitude ne semble pas toujours tranchée – donnent des réponses claires lorsqu'on leur pose des questions claires, du moins hors cadre public et officiel. Je l'ai observé à chaque fois que nous avons reçu des représentants du Gouvernement ou du peuple français. Ce langage de vérité représente le pendant de notre partenariat avec ces pays qui, quels que soient les doutes qu'ils suscitent, participent aujourd'hui efficacement à la coalition anti-Daech. Pour l'instant, leur implication dans le développement de l'islamisme violent fait l'objet de beaucoup de présupposés, mais de peu de preuves tangibles.

En tant que représentants du peuple français, vous vous posez légitimement beaucoup de questions sur la France. Nous pourrons vous conseiller des personnes susceptibles d'y répondre, mais notre propre travail – conduit sous l'égide du ministère des affaires étrangères – se concentre sur le monde arabe et musulman.

Présidence de Mme Odile Saugues, vice-présidente de la Commission.

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