Intervention de Stéphane Lacroix

Réunion du 28 janvier 2015 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Stéphane Lacroix, chercheur et professeur associé au CERI :

Cela montre le pragmatisme – ou l'opportunisme – du Qatar. Cherchant avant tout à maximiser ses intérêts et ses soutiens dans la région, ce pays s'est persuadé après les printemps arabes que puisque les islamistes tels que les Frères musulmans allaient l'emporter, il convenait de les soutenir plus que les autres. Le fait de financer ce mouvement, en Égypte et ailleurs, relève donc d'un pari stratégique qui permet également au Qatar de marquer sa différence avec l'Arabie Saoudite.

En Syrie, ces deux pays ont au départ soutenu et financé tous les courants de l'opposition à Bachar al-Assad, y compris des groupes djihadistes. L'obsession de la menace iranienne l'emportait alors sur les autres arguments, les rendant peu regardants. Aujourd'hui, les monarchies du Golfe semblent plus prudentes ; elles n'ont du reste aucun intérêt à soutenir des djihadistes qui les vouent aux gémonies.

L'islam officiel en Arabie Saoudite est wahhabite, donc salafiste. Le pouvoir de ce pays est bicéphale, le roi et le mufti étant engagés dans un partenariat, entente mutuelle entre deux partis qui ne partagent pas nécessairement la même vision ni les mêmes intérêts. Ainsi, la plupart des princes saoudiens ne sont pas particulièrement religieux et ce n'est pas la religion qui guide leur politique. Celle-ci est souvent pragmatique et non idéologique : au moment de la sécession du Sud Yémen communiste en 1994, l'Arabie Saoudite avait par exemple soutenu les communistes car elle considérait préférable de diviser le Yémen. Cependant, l'establishment politique est pris dans son partenariat avec l'establishment religieux, essentiel pour sa légitimité, ce qui l'amène à donner chaque année à celui-ci des milliards de dollars, utilisés ensuite à des fins de prosélytisme, à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Ainsi, sans forcément s'en occuper elle-même, la famille royale laisse les mains libres à l'establishment wahhabite. La cohabitation de ces deux logiques se traduit par un prosélytisme actif qui nourrit l'expansion du salafisme.

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