Intervention de Stéphane Lacroix

Réunion du 28 janvier 2015 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Stéphane Lacroix, chercheur et professeur associé au CERI :

Sans lui avoir donné naissance, cet échec le nourrit certainement. En Égypte, depuis le renversement de Morsi, une partie de la base des Frères musulmans – en particulier la jeunesse – ne croit plus au jeu démocratique et est désormais tentée par des alternatives radicales, d'autant que le nouveau pouvoir considère les Frères comme des terroristes et réprime violemment les manifestations. Ne bénéficiant aujourd'hui d'aucune porte de sortie en Égypte, certains d'entre eux viennent probablement nourrir les rangs de la mouvance djihadiste. D'ailleurs, le principal mouvement djihadiste égyptien, les Partisans de Jérusalem, a officiellement rejoint Daech et s'appelle désormais L'État islamique-Gouvernorat du Sinaï – région où se situent les bases des djihadistes égyptiens.

La France et l'Europe doivent tout faire pour faciliter l'intégration des partis islamistes prêts à jouer le jeu démocratique, qui répondent aux deux conditions évoquées par Mme Curmi. L'exemple tunisien montre que, sans constituer une solution miracle, cette intégration permet de limiter autant que possible la menace djihadiste. Des discussions ont d'ailleurs lieu actuellement entre les Européens et le régime égyptien pour pousser le maréchal Al-Sissi vers une politique de réconciliation qui permettrait de stopper la dérive d'une partie de la base de l'islamisme politique vers un islamisme djihadiste avec lequel aucun dialogue n'est possible.

Par ailleurs on ne peut pas parler de Daech sans évoquer l'Irak. Daech représente le prolongement d'Al-Qaïda en Irak qui se constitue en 2004-2005 dans le sillage de l'invasion américaine dont elle est le produit – ou l'effet pervers. Le pouvoir étant désormais accaparé par les chiites, la marginalisation des sunnites pousse ces derniers vers ce groupe qui prétend défendre leurs intérêts, tant en Irak qu'en Syrie. Cette population qui se sent mise à l'écart ne bénéficie en outre d'aucune alternative, Daech prospérant sur un vide politique. En Syrie, même si Bachar al-Assad continue à tenir la région de Damas et la région alaouite dont il est originaire, il a perdu toute légitimité auprès des sunnites et ne reprendra plus contrôle sur leurs territoires. En Irak également, même avec une vraie volonté d'intégrer les sunnites dans les gouvernements, le premier ministre aura du mal à établir son autorité dans les régions sunnites. Dans ce vide, Daech représente la seule force disponible ; une partie des sunnites en accepte le joug par absence d'alternative et non par adhésion à son idéologie qui n'est partagée que par une petite minorité active et armée.

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