Intervention de Emmanuel Macron

Séance en hémicycle du 9 février 2015 à 16h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Après l'article 40

Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique :

Vous l’avez vous-même reconnu en commission spéciale, monsieur le député, ce débat ressort de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires. Mais, même si ce n’est pas l’objet du présent texte, je voudrais compléter la réponse de M. Castaner, qui a déjà souligné les points essentiels.

La loi de séparation et de régulation des activités bancaires a permis d’atteindre un équilibre en cantonnant les activités de tenue de marché dans des filiales et en instaurant un plafond, sans toutefois retenir la séparation complète des activités que certains, comme vous, prônaient. Mais la discussion continue au niveau européen, car après la crise de 2008, la pondération des différentes activités au sein des banques continue de faire l’objet d’un débat à la fois technique et démocratique. Je ne vous dis donc pas que l’équilibre trouvé par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires vaut pour toute l’éternité, ou en tout cas nous dispenserait de débattre de manière régulière du sujet.

Néanmoins, l’essentiel est bien l’objectif que vous cherchez à atteindre, c’est-à-dire l’amélioration du financement de l’économie. Le niveau du risque collectif dans notre système bancaire a baissé. Je crois qu’avec la loi bancaire, la régulation européenne ainsi que les avancées qui ont été réalisées dans le cadre de l’union bancaire, nous avons diminué le risque qui existait au sein des différents systèmes bancaires européens et accru la solidarité ainsi que l’efficacité des mécanismes de surveillance. Il s’agit là du résultat des efforts entrepris depuis deux ans et demi. Il ne faut pas tenir cette discussion sans considérer tout ce qui a été fait.

Aujourd’hui, la problématique, dans ce contexte dans lequel le risque est mieux maîtrisé et a été réduit, est de trouver les moyens d’améliorer le financement de notre économie, comme vous l’avez souligné. La Banque publique d’investissement n’a jamais eu pour vocation de se substituer à un financement bancaire, mais de répondre à des failles de marchés. Elle le fait largement, sur beaucoup de pans et nous voulons la réorienter vers certaines d’entre elles, notamment le financement de l’innovation – la part que représente la BPI dans le financement de l’innovation est considérable – ou le financement des besoins de trésorerie des TPE-PME – sur lequel nous voulons encore qu’elle s’améliore. Mais nous veillons à ce qu’elle réponde de mieux en mieux aux objectifs qui sont les nôtres, même s’il y a encore une marge d’amélioration.

Mais pour améliorer le financement de notre économie, il faut en effet mobiliser au maximum le financement bancaire, entre autres, autour de l’économie réelle et productive dont vous avez parlé. À ce titre, il me semble que votre amendement fragiliserait la capacité de nos banques à le faire. Celles-ci agissent dans un contexte où elles subissent une régulation qui – cela a été l’objet d’une discussion en commission spéciale – revient à les défavoriser par rapport à d’autres systèmes et à contraindre leurs capacités à prêter. Cela tient aux modalités même de cette régulation, en particulier la prise en compte, dans le bilan des banques, des crédits de long terme et en particulier des crédits immobiliers, qui sont caractéristiques de notre système bancaire.

Autant donc nous devons être exigeants, ce qui est la politique constante du Gouvernement, pour que les capacités des banques soient mobilisées pour le financement productif de notre économie, autant nous devons partout où c’est possible ouvrir, avec le bon système de contrôle des risques, d’autres mécanismes de financement : c’est ce dont nous parlions tout à l’heure. Je crois donc que rouvrir aujourd’hui le dossier de la séparation des activités bancaires, dans le contexte de la « régulation Bâle III » et de tout ce qui a été fait au niveau européen, serait un facteur d’instabilité et de fragilisation de l’action des banques dans le financement de notre économie plutôt que d’amélioration du système. Cela ne veut pas dire, pour autant, que le débat est purgé pour de nombreuses années. L’avis du Gouvernement est donc défavorable, mais le débat continue.

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