Intervention de Pascal Deguilhem

Séance en hémicycle du 12 février 2015 à 15h00
Débat sur le rapport d'information sur le fair-play financier européen et son application au modèle économique des clubs de football professionnel français

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Deguilhem :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, lors des nombreuses auditions effectuées à l’occasion de la mission d’information parlementaire par les rapporteurs – je salue ici Marie-George Buffet et Guénhaël Huet –, je me souviens de l’étonnement, voire de l’irritation qui a été celle de certains acteurs auditionnés face à l’intrusion du législateur dans le monde du football professionnel.

Au-delà cet hémicycle peu rempli, le court débat de cet après-midi sera sans doute regardé par les acteurs du football professionnel. Je veux donc à nouveau rappeler ici que cette mission d’information, qui a toujours eu pour souci d’analyser de manière objective et dépassionnée la réalité à laquelle sont confrontés les clubs de football professionnels français, visait à oeuvrer à la construction d’un modèle économique performant, soutenable et respectueux de l’éthique sportive. Ce fut le sens des vingt-six propositions arrêtées par les rapporteurs.

C’est aussi parce que le football occupe une place particulière dans le paysage sportif, par le nombre de ses pratiquants, par le poids économique qu’il représente, par la place qui est la sienne dans les médias, que les rapporteurs ont souhaité établir ce diagnostic partagé. Les rapporteurs ont bien conscience que les recommandations qui découlent de cette mission d’information relèvent, pour nombre d’entre elles, de l’initiative des acteurs du football et pour quelques-unes d’entre elles, des pouvoirs publics.

L’initiative du groupe GDR, visant à faire le point avec le Gouvernement sur cette question, est tout à fait légitime. C’est bien le sens du travail parlementaire que de donner vie aux rapports d’information.

La nouvelle réglementation de l’UEFA, dont l’objectif est d’assurer une meilleure maîtrise des dépenses des clubs au regard de leurs recettes, figure au coeur du débat. En effet, en France, comme dans de nombreux pays européens, trop d’excès ont nui à l’image du football professionnel, qui se trouve à ce titre dégradée et menacée. Oui, car telle est la situation ! Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les acteurs eux-mêmes.

Bien que la question du fair-play financier ne concerne que quelques clubs dans le championnat national, mais aussi européen, c’est la situation financière d’une majorité de clubs qui devient intenable. Il en va de même pour de nombreux clubs de Ligue 2, et particulièrement pour ceux qui passent régulièrement de la Ligue 2 à la Ligue l.

Sans caricaturer la situation d’un sport qui fait vibrer tant de supporters, qui réunit tant de téléspectateurs, qui apporte souvent de la fierté à la nation dans les grandes compétitions internationales et donc prochainement, ici en France en 2016, je veux garder un oeil éclairé sur la situation du football professionnel car elle n’est pas sans incidence sur l’ensemble de la pratique. C’est une activité où la concurrence est excessivement forte, où les inégalités se creusent année après année. C’est une activité économique où le capital financier s’est concentré dans quelques équipes, dans l’hexagone et en Europe, dans les plus grandes métropoles au fort pouvoir d’attraction.

Ces équipes attirent les meilleurs joueurs, les investisseurs les plus fortunés, les spectateurs les plus nombreux. Elles deviennent ou sont déjà propriétaires de leurs installations et concentrent l’attention des médias. Mais la quasi-totalité des autres équipes, si nécessaires à l’organisation d’un championnat et d’un spectacle sportif qui doit rester équilibré pour capter l’attention, connaissent des budgets huit à dix fois inférieurs, et l’écart ne cesse de se creuser entre les équipes du haut et celles du bas du tableau.

Quant au marché des transferts, qui sera évoqué au cours des questions, il se concentre pour les trois quarts sur les équipes phares. Ainsi, tous les clubs qui n’appartiennent pas au cercle des riches – ils sont très nombreux –, ne survivent que grâce à l’implication de partenaires historiques passionnés, à la qualité de leur formation, qui permet d’opérer des transferts indispensables à leur équilibre financier, avec pour effet contraire d’expatrier les talents issus de leur formation.

Dans cet équilibre, il est heureux que nous nous soyons dotés, avec la Direction nationale d’aide, de contrôle et de gestion – DNACG –, d’un organe de contrôle efficace. Malheureusement, celle-ci ne peut toutefois tout prévenir, en particulier les aléas sportifs qu’on a parfois tendance à oublier.

De l’avis partagé des rapporteurs de la mission d’information, la mise en place du fair-play financier européen apparaît donc comme un outil efficace pour apporter les corrections nécessaires à certaines dérives. Je ne m’attarderai pas sur la question de savoir si le fair-play financier fige ou non une situation d’inégalité, car ce n’est pas, à mon sens, l’objet de notre échange cet après-midi.

Nos échanges visent au contraire à faire le point sur ce que peut faire le Gouvernement ou le pouvoir législatif, ou ce qui a déjà été engagé au regard des recommandations de la mission. En invoquant souvent la discipline financière, l’arrêt de l’inflation des salaires et des transferts, la nécessaire recherche de diversification des revenus, on met trop peu en avant une disposition vertueuse et majeure du fair-play : l’orientation des investissements vers les moyens dédiés à la formation et les infrastructures.

Parmi les cinq propositions que les rapporteurs ont formulées sur la valorisation de la formation, j’attache une importance toute particulière à la proposition 14. Je sais, monsieur le ministre, l’intérêt que vous portez à ce sujet. Dès lors, pourriez-vous nous indiquer de quelle façon vous souhaitez appréhender cette proposition ?

Ne pouvant, faute de temps, aborder que quelques sujets, je souhaite cependant faire le lien entre la formation et les circuits financiers issus des transferts, les indemnités liées à la formation en étant l’un des aspects. Comme l’actualité nous le rappelle, l’opacité demeure sur les flux financiers relatifs aux mouvements des joueurs.

Ainsi, la recommandation no 4 tend à faire transiter sur un compte dédié de la Ligue Pro l’ensemble des indemnités dues en cas de mutation de joueurs.

Enfin, est-il nécessaire de rappeler que notre football professionnel dispose d’un atout privilégié, avec la perspective de l’Euro 2016 en France, pour mettre en oeuvre les évolutions et régulations nécessaires et en promouvoir la diffusion en Europe.

La responsabilité du Gouvernement et notre responsabilité de législateur est de l’encourager et de l’aider dans cette voie. Le groupe SRC y est prêt.

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