Intervention de Gérard Cherpion

Séance en hémicycle du 12 février 2015 à 15h00
Débat sur le rapport d'information sur l'évaluation de l'adéquation entre l'offre et les besoins de formation professionnelle

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un an à peine après sa promulgation, la loi sur la formation professionnelle montre déjà ses limites. Ce texte devait répondre en particulier aux problèmes des personnes les plus en difficulté, les plus éloignées de l’emploi, c’est-à-dire des demandeurs d’emploi de longue durée. Or les chiffres du chômage sont sans pitié : notre pays comptait 5,52 millions de demandeurs d’emploi à la fin du mois de décembre, et probablement davantage en janvier selon l’ASSEDIC.

Dans le même temps, le ministre du travail annonce un droit réel à une formation qualifiante gratuite. Il reconnaît ainsi que nous avions raison lorsque nous avions dénoncé, lors de l’examen de la loi relative à la formation professionnelle dans cet hémicycle, le fait que les mesures proposées ne répondaient pas aux attentes des publics les plus fragiles. Le compte personnel de formation mis en place par cette loi, en remplacement du droit individuel à la formation, est crédité au prorata des heures travaillées, ce qui en exclut les personnes en dehors de l’emploi depuis longtemps et les travailleurs à temps partiel.

Le ministre du travail propose un plan en faveur des demandeurs d’emploi de longue durée qui repose sur un financement hypothétique, puisqu’il est à la charge des collectivités locales et des partenaires sociaux.

J’en viens aux 220 millions d’euros que vous prélevez, monsieur le ministre, sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Sur les bancs de la gauche, on entendait des cris lorsque le précédent gouvernement opérait de tels prélèvements, que j’ai d’ailleurs moi-même dénoncés. Ce prélèvement de 220 millions d’euros empêchera le FPSPP de réaliser une partie de ses actions, pourtant destinées aux exclus de la qualification et de l’emploi. Vous sollicitez une nouvelle fois Pôle emploi en multipliant ses missions, à effectif et budget constants.

Dois-je rappeler, monsieur le ministre, que le budget du ministère du travail est en baisse de 3 % cette année, ce qui montre bien que l’emploi n’est pas une priorité pour le Gouvernement ?

En fait, ce plan en faveur des chômeurs de longue durée est bien loin de la grande cause nationale annoncée par le Président de la République : les mesures annoncées sont ou obsolètes ou réchauffées. Ainsi, l’objectif de 460 000 demandeurs d’emploi bénéficiant d’un accompagnement intensif figurait déjà dans la nouvelle convention entre l’État et Pôle emploi. Faut-il rappeler que cela ne concerne que 20 % des 2,2 millions de personnes concernées ? Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous demander de quelle manière les bénéficiaires seront sélectionnés.

Le dispositif de réservation de places de crèche est expérimenté depuis un an et sa mise en oeuvre s’avère particulièrement difficile. Les contrats de professionnalisation sont en baisse constante depuis deux ans et vous annoncez la création de deux nouveaux types de contrats. En dehors de la complexification du dispositif et de la moindre appétence pour les chefs d’entreprise, comment seront-ils financés et accompagnés ?

En fait, monsieur le ministre, dans le contexte catastrophique de l’emploi en France, dont nous ne pouvons pas nous réjouir, l’affaiblissement du pôle ministériel « travail et emploi » du fait de la disparition du secrétariat d’État à la formation professionnelle et à l’apprentissage se fait durement sentir. Le nombre de contrats d’apprentissage continue de baisser : en deux ans de présidence Hollande, c’est un recul de dix ans qu’il faut déplorer. Aujourd’hui, le nombre d’entrées en apprentissage est équivalent à celui de 2005.

S’agissant de la formation professionnelle, le ministre du travail de l’époque nous avait assuré, pendant les débats, qu’il laisserait un mois à son administration pour la publication des textes d’application. Près d’un an plus tard, moins de 50 % de ces textes ont été publiés. Quarante-six mesures réglementaires ont été prises par le Gouvernement, cinquante mesures réglementaires prévues par la loi n’ont pas encore été prises par le Gouvernement, et huit mesures non réglementaires n’ont pas encore été prises. Je vois que vous en doutez, monsieur le ministre. Je cite pourtant les chiffres publiés sur le site internet du Sénat.

Aussi, monsieur le ministre, ce débat met en évidence l’échec de la politique gouvernementale en matière d’emploi. Les contrats de génération en sont une illustration. D’ailleurs, leur financement a presque disparu du budget pour 2015.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, la conjoncture s’améliore partout dans le monde grâce à la baisse du coût du pétrole, à la baisse de l’euro, au plan d’investissement de la Commission européenne et à la politique monétaire volontariste de la Banque centrale européenne. Pourtant, notre pays n’en profite pas. Vous devez réorienter votre politique.

C’est en travaillant à la réduction de la complexité du code du travail – les dispositions relatives au compte pénibilité n’en sont qu’un exemple –, en favorisant les accords de développement dans l’emploi, en revenant sur l’interdiction de travailler moins de 24 heures et en déverrouillant le cadenas des 35 heures que l’on résoudra les problèmes de l’emploi.

Monsieur le ministre, mieux vaut un demandeur d’emploi qui travaille à temps partiel, en bénéficiant d’une compensation de salaire et de formations, qu’un demandeur d’emploi éloigné du travail. C’est le défi que nous devons relever de toute urgence.

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