Intervention de Patrick Kanner

Séance en hémicycle du 12 février 2015 à 15h00
Débat sur le rapport d'information sur l'évaluation de l'adéquation entre l'offre et les besoins de formation professionnelle

Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avant de commencer mon propos, je tiens à excuser l’absence du ministre du travail, François Rebsamen, qui copréside actuellement aux côtés du Premier ministre la Commission nationale de lutte contre le travail illégal. Il sera bien entendu informé de la teneur de nos échanges. Pour ce qui me concerne, ma disponibilité est totale pour répondre à vos questions.

Dans la bataille pour l’emploi que nous menons collectivement au sein du Gouvernement, nous savons que la formation professionnelle est un outil efficace qui répond à un double défi : sécuriser davantage les parcours professionnels et renforcer la compétitivité de nos entreprises. Je m’en tiendrai à ces deux aspects, mais je ne manquerai pas de répondre à M. Cherpion, même si la tonalité critique de son intervention relevait davantage d’une séance de questions au Gouvernement, et de transmettre ses interrogations au ministre du travail.

Permettez-moi tout d’abord de rappeler que budget dédié à la formation en faveur des demandeurs d’emploi s’élève à plus de 5 milliards d’euros chaque année, dont 2 milliards pour les régions. Celles-ci ont donc une responsabilité importante dans le dispositif qui doit se traduire sur le plan budgétaire. La compétence transférée aux régions en matière de formation montre, s’il en était besoin, la priorité qui est la nôtre en ce domaine.

En ce qui concerne les partenaires sociaux, sujet évoqué par M. Richard, le financement des formations gratuites pour les demandeurs d’emploi n’est pas hypothétique. Une enveloppe de 220 millions d’euros a été déterminée contractuellement avec l’État, Pôle emploi et les régions ajouteront leur financement. Même si les demandeurs d’emploi n’ont pas d’heures inscrites en 2015 dans le cadre de leur compte personnel, le dispositif qui implique les partenaires sociaux permettra de créditer 100 heures pour financer les actions de formation. Le plan de lutte contre le chômage de longue durée, que vous sembliez critiquer, monsieur le député – ce qui est légitime au regard de votre inclination politique – ne se limite donc pas à cette seule mesure ; ce n’est qu’un des éléments de réponse du Gouvernement.

Pour répondre aux besoins du marché du travail, lesquels sont à la fois spécifiques et en évolution constante, un certain nombre de décisions ont été prises par le Gouvernement afin de mieux faire coïncider l’offre et la demande de formation, ce qui est l’objet de notre débat.

Dès 2013, le plan « 30 000 formations prioritaires » pour l’emploi a été lancé. Il a été suivi en 2014 par le plan « 100 000 formations prioritaires ».

Pour identifier précisément ces besoins et définir une offre de formation pertinente, le ministre François Rebsamen a réuni les représentants des régions, ainsi que les organisations syndicales et patronales pour mettre en place des formations prioritaires dans des métiers qui offrent des opportunités d’emploi, à court et moyen terme.

Cette méthode de travail repose sur une analyse concertée des besoins et des dispositifs de formation existants. Elle a été déclinée dans chacune des régions avec l’établissement d’une liste des métiers en tension. C’est à partir de ces constats qu’un plan d’action a été développé, avec des objectifs quantitatifs ambitieux afin que l’offre et la demande de formation professionnelle à l’échelle des territoires soient en synergie. Les résultats ont été à la hauteur.

Mais au-delà de cette méthode, c’est l’ensemble du système de formation professionnelle continue que nous avons réformé. La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a apporté plusieurs avancées dans la lignée des préconisations du rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques du 23 janvier 2014, présenté par Mme Jeanine Dubié et M. Pierre Morange. Au nom du Gouvernement, je tiens ici à saluer ce travail parlementaire qui a largement participé à l’élaboration du projet de loi.

À trois égards, la loi du 5 mars 2014 permet de répondre à la nécessité d’une adéquation entre l’offre et la demande de formation.

Premièrement, elle a fait coïncider les besoins individuels de chaque actif avec l’offre de formation qui lui est proposée.

La loi a notamment créé un droit à la formation universel et attaché à la personne tout au long de sa vie active jusqu’à la retraite. C’est le compte personnel de formation – CPF –, issu du dialogue fructueux et des propositions des partenaires sociaux lors des accords nationaux interprofessionnels du 11 janvier et du 14 décembre 2013.

Le dispositif est une nouvelle modalité d’accès à la formation et permet d’accroître le niveau de qualification de chacun tout en sécurisant son parcours professionnel.

Comment fonctionne-t-il ?

Ce compte est alimenté annuellement : 24 heures de droits à la formation jusqu’à un total de 120 heures, puis 12 heures jusqu’à un total de 150 heures. Les heures cumulées sont acquises à la personne, y compris pour des périodes non travaillées. Il revient alors au titulaire du CPF de mobiliser ses heures inscrites. Chaque actif bénéficie ainsi de possibilités réelles de formation qu’il décidera librement de mobiliser tout au long de son parcours professionnel.

Deuxièmement, la loi a fait coïncider les besoins individuels et collectifs dans l’entreprise avec l’offre de formation.

La formation professionnelle doit aussi être un outil mobilisable par les entreprises pour trouver les compétences correspondant à leurs besoins, ce qui correspond à un changement de priorité. C’est pourquoi la loi du 5 mars 2014 considère la formation professionnelle comme un réel investissement au service du développement économique des compétences au sein des entreprises. Elle responsabilise et redonne la main aux entreprises dans la détermination précise de leurs besoins, là où il existait auparavant une « obligation de dépenser » au titre du plan de formation dans les entreprises de plus de 300 salariés. Le système est donc beaucoup plus intelligent, plus vertueux, plus pertinent.

Parce que nous savons que le dialogue social permet une meilleure adéquation des solutions, le rôle des instances des représentants des personnels dans la détermination des besoins de formation est renforcé. La loi incite notamment à la signature d’accords d’entreprise sur les questions de la formation. Le dialogue social dans l’entreprise autour des questions de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et de formation professionnelle est donc ainsi rendu plus cohérent.

Enfin, la loi a créé des entretiens individuels entre l’employeur et chacun des employés afin de déterminer conjointement les évolutions professionnelles envisageables, ce qui constitue une évolution positive. C’est désormais au sein même de l’entreprise, en faveur des employeurs et des salariés, que se définiront les besoins de formation et les moyens d’y répondre.

Troisièmement, la loi a permis une meilleure prise en compte des besoins économiques dans la définition des politiques de formation professionnelle. Nous avons cherché à préciser l’offre de formation afin que celle-ci serve les besoins économiques et corresponde à la conjoncture, répondant ainsi aux préoccupations, que nous partageons tous, en termes d’emploi.

Outre les formations sur les compétences de base, le compte personnel de formation ne peut être mobilisé que pour des formations éligibles dont la liste est définie par les branches et les partenaires sociaux.

La liste des formations éligibles dont peut bénéficier le salarié est ainsi composée de la liste des formations définie par la commission paritaire nationale de l’emploi de la branche professionnelle de l’entreprise, à laquelle s’ajoutent une liste régionale et une liste nationale établies par les partenaires sociaux.

Pour les demandeurs d’emploi spécifiquement, la liste est composée d’une liste régionale établie à partir des formations financées par les régions et Pôle emploi, ainsi que de la liste nationale interprofessionnelle, nous pouvons ainsi couvrir l’ensemble du champ de la demande.

Pour la première fois, mesdames, messieurs les députés, ces listes correspondent à des besoins économiques identifiés par les branches et les partenaires sociaux. Elles sont le fruit d’analyses territoriales qui permettent d’articuler des logiques de bassins d’emploi et des logiques sectorielles suivant les besoins des branches, ce qui semble l’évidence même.

Au-delà de la question de l’adéquation de l’offre et de la demande, un grand nombre de recommandations du rapport adopté par le Parlement a été concrétisé par la réforme du 5 mars 2014. Permettez-moi de rappeler quelles ont été ces avancées.

D’abord, la loi porte une exigence forte : rendre accessible aux publics qui en ont besoin une formation qualifiante.

La formation professionnelle doit être accessible plus facilement aux demandeurs d’emploi qui peuvent mettre à profit un temps d’inactivité pour développer leurs compétences grâce au compte personnel de formation.

De plus, la loi favorise l’accès à la formation des salariés des TPE et PME afin qu’elle ne bénéficie pas seulement aux employés de grands groupes. Le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels voit ses missions renforcées pour soutenir l’effort de formation dans ces entreprises de petite taille. Dans le cadre du plan de lutte contre le chômage de longue durée présenté lundi 9 février par le ministre du travail, ce sont 220 millions d’euros qui sont prévus à ce titre par les partenaires sociaux.

Toutes les formations qui seront proposées dans le cadre du compte personnel de formation sont qualifiantes et diplômantes.

Ensuite, autre avancée, pour plus d’efficacité, la gouvernance de la formation professionnelle a été simplifiée.

La gouvernance du système de formation professionnelle veille désormais à l’articulation des politiques de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, ce qui est l’évidence même. C’est une organisation nouvelle à laquelle le Parlement est associé.

Une instance de pilotage nationale, le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles – CNEFOP – et de pilotage régional, le CREFOP, ont été mises en place en vue de plus d’efficacité. Ces instances rassemblent tous les acteurs de l’emploi et de la formation en un lieu unique de concertation.

Enfin, la responsabilité des régions est aujourd’hui clairement affirmée. Le processus de décentralisation a été achevé en matière de formation et d’insertion professionnelles. Le service public régional de l’orientation a été créé, renforçant le rôle des régions dans la coordination. Ces dernières doivent se saisir pleinement de cette compétence qui leur a été conférée par la loi.

Nous devons désormais favoriser l’appropriation par les acteurs des avancées permises par la loi du 5 mars 2014.

Les entreprises doivent se structurer en interne et mener une politique de formation articulée avec la stratégie et la gestion prévisionnelle des emplois et des comptes. Dans un contexte de crise économique, la formation professionnelle constitue une formidable opportunité pour les entreprises de consolider et d’augmenter leur compétitivité.

C’est un investissement pour que les compétences de leurs salariés suivent l’évolution de leurs besoins.

Deuxièmement, les salariés et les demandeurs d’emploi doivent se saisir des nouveaux outils que les textes mettent à leur disposition.

Pour le salarié, l’enjeu est de pouvoir choisir, changer, évoluer tout au long de sa carrière : le compte personnel de formation va transformer les parcours professionnels et les pratiques de gestion des ressources humaines. Autonome dans la gestion de son compte, le salarié peut désormais se mobiliser en adéquation avec ses choix professionnels. Quant au conseil en évolution professionnelle, lui aussi créé par la loi du 5 mars 2014, il permet d’accompagner tous ses projets.

Pour le demandeur d’emploi, la mobilisation du compte personnel de formation est un outil qui favorise le retour à l’emploi.

L’enjeu est donc de susciter l’appétence des personnes concernées, qui éprouvent parfois des appréhensions à se saisir de ces nouveaux outils ou qui en ont des représentations négatives. Il nous faut les convaincre.

Enfin, les acteurs publics doivent s’assurer de la qualité de la formation. Il faut, au-delà de la loi du 5 mars, qui comporte des exigences en la matière, proposer des formations de qualité, et d’abord pour ceux qui en ont le plus besoin – donner plus à ceux qui ont moins. La loi a prévu qu’un décret fixe les critères permettant d’atteindre cet objectif de qualité. Issu d’une large concertation avec les partenaires sociaux, ce décret va être soumis pour examen au Conseil d’État ; je réponds ainsi à votre interpellation, monsieur Cherpion.

Les financeurs de la formation que sont les collectivités territoriales, Pôle emploi, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, les organismes paritaires collecteurs agréés – OPCA et OPACIF – et l’État sont particulièrement attentifs à cette question. Nous devons collectivement nous assurer que les prestataires de formations dispensent une formation de qualité.

Voilà, mesdames et messieurs, le bilan qu’aurait pu vous présenter M. Rebsamen. Des enjeux, des défis nous attendent encore. Je sais pouvoir compter sur votre mobilisation et sur votre apport. D’ailleurs, certaines préconisations du rapport qui nous intéresse aujourd’hui méritent tout notre intérêt ; je pense par exemple à la création d’un système d’information permettant de relier les différents comptes ou à une information renforcée sur les contrats d’objectifs et de moyens des OPCA.

Si la formation professionnelle permet de sécuriser les parcours professionnels, il est du devoir des pouvoirs publics de s’assurer de la qualité des formations proposées. Une formation de qualité est une formation qui répond aux besoins des employés et des entreprises ; c’est une formation qui répond aux besoins de l’économie du pays ; c’est une formation qui conduit à des résultats. Voilà notre engagement.

D’autres questions ont été posées par les orateurs inscrits ; j’y répondrai éventuellement, en lieu et place de M.Rebsamen, dans quelques instants. Quoi qu’il en soit, je lui transmettrai le contenu de nos échanges, pour sa parfaite information.

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