Intervention de Pascal Cherki

Séance en hémicycle du 12 février 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 49

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Cherki :

Deuxièmement, cet aéroport est rentable. C’est ce qu’a dit M. Estrosi, et vous ne l’avez pas contredit sur ce point, monsieur le ministre. Non seulement il est rentable, mais les excédents qu’il dégage, une fois les dividendes reversés aux différents actionnaires, sont suffisamment importants pour autofinancer son développement. J’attends donc des réponses à ce sujet. Estime-t-on qu’il faille faire de tels investissements dans les années à venir que les actuels détenteurs du capital de cette société publique ne seraient pas en mesure de les faire et rechercheraient donc un actionnaire privé, parce qu’ils préféreraient ne pas avoir recours à l’emprunt ? Cela répondrait à un modèle économique. Nous n’avons pas eu de réponse à cette question.

En fait, on peut envisager la cession d’un actif public à une société privée dans trois cas de figure, qui relèvent d’autre chose que de la gestion des bijoux de famille : premièrement, dans le cas où le public gère mal ; deuxièmement, quand les investissements sont tels que le public veut faire d’autres arbitrages ; troisièmement, quand le déficit est si grand que cela signifie que le public ne sait plus gérer et qu’il faut faire appel à un autre mode de gestion pour redynamiser la société. Mais il n’y a rien de cela pour l’aéroport de Nice. Vous dites, avec beaucoup de franchise, monsieur le ministre, qu’il s’agit d’une forme de gestion des participations de l’État et que, comme il n’est pas stratégique pour l’État de détenir 60 % du capital de la société publique des aéroports de Nice et de Lyon, autant s’en séparer pour créer des recettes, lesquelles viendront soit combler le déficit, soit augmenter les participations publiques de l’État ailleurs.

Soit, cela peut se discuter. Mais, dans ce cas-là, si l’État veut céder ses 60 %, pourquoi ne cherche-t-il pas d’abord à voir si des actionnaires publics peuvent entrer dans le capital ? À mon sens, la vraie question est celle de la forme publique de la gestion publique d’un aéroport rentable. Si l’État ne souhaite plus posséder 60 % du capital dans une société publique qui gère l’aéroport de Nice, alors une question fondamentale se pose, qui a été posée par notre collègue Estrosi : pourquoi ne pas permettre à des collectivités locales d’user d’un droit de préemption ? Le paradoxe serait qu’à partir du moment où l’État ne veut plus gérer un équipement public, il faudrait le donner au privé, alors qu’il est rentable ! Or, dans ce cas, un arbitrage aura lieu et il est évident que le privé retirera une partie de ses dividendes pour lui et qu’il les versera aux actionnaires, car ce ne sont pas des oeuvres philanthropiques. Je ne vois pas pourquoi ces dividendes n’iraient pas à une collectivité publique locale, ni pourquoi on mettrait fin à la gestion publique de cet aéroport, alors même qu’il s’autofinance par ses excédents de gestion.

Pour moi, élu de gauche, indépendamment de toutes les autres questions qui ont été posées, je ne comprends pas cela. Avec tout le respect que j’ai pour vous, monsieur le ministre – même si je ne suis pas toujours d’accord avec vous, je reconnais votre rectitude, votre combativité et votre ardeur à défendre vos positions –, il y a là une chose que je ne comprends pas. Depuis le début de la discussion législative, vous nous dites que vous êtes là pour combattre la rente. Eh bien moi, je dis qu’offrir au privé la gestion d’un équipement public rentable qui dégage régulièrement et substantiellement des excédents, c’est offrir une rente au privé.

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