Intervention de Jean-François Lamour

Séance en hémicycle du 12 février 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Avant l'article 50

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Lamour :

Si ! C’était l’unique destination de ce PIA : je pense qu’on aurait pu l’utiliser d’une meilleure façon !

Ces sociétés de projet, par elles-mêmes, posent problème ; cela fait six mois que vous nous en parlez, mais nous n’avons strictement aucune information précise sur les matériels – on sait juste que cela concernera les Atlas et les frégates multimissions, les FREMM, mais on ne sait pas quelles seront les autres cibles –, ni sur la rémunération de ces projets, leur réassurance ou le moment où l’État pourra se réapproprier ce matériel.

Je rappelle simplement qu’une société de projet sert à acheter du matériel à l’armée pour ensuite le lui louer : vous avouerez que c’est assez difficilement compréhensible pour nos soldats ! Mais nous n’avons strictement aucune information, et c’est d’ailleurs l’objet du sous-amendement que j’ai déposé : nous devrions être informés avant de pouvoir débattre de la bonne efficacité de ces sociétés de projet.

Le vrai problème, monsieur le ministre, c’est de construire le budget de la défense à partir de ressources exceptionnelles. C’est un peu comme si on demandait à l’éducation nationale ou au ministère de la justice de vendre une partie de leurs biens immobiliers pour constituer leur budget. Demande-t-on à l’éducation nationale de contracter avec des partenaires privés pour consolider un exercice budgétaire, par exemple pour payer les enseignants ? Non !

À un moment où plusieurs milliers de nos soldats sont projetés sur des théâtres d’opérations extérieures et où, dans le cadre de l’opération Sentinelle, dix mille d’entre eux sont déployés sur notre territoire pour protéger les citoyens français, je m’interroge sur la pertinence de ce recours à des ressources exceptionnelles dans la construction budgétaire imposée par la LPM. J’espère que la révision de la LPM, qui aura lieu au cours du deuxième trimestre de cette année, sera l’occasion de réexaminer la pertinence de ce recours à des ressources exceptionnelles pour le budget de la défense.

Il est un autre élément qui m’inquiète beaucoup, monsieur le ministre, c’est l’incohérence de la position gouvernementale. Il y a deux jours encore, votre collègue Christian Eckert expliquait à la commission des finances qu’il y avait un plan B : apparemment, il croit si peu à ces sociétés de projet qu’il envisage déjà des solutions alternatives. Cela ne laisse pas d’inquiéter le monde militaire. Où est la vérité ? Est-elle dans ce que vous venez de nous exposer, à savoir qu’il n’y a pas d’autre solution que ces sociétés de projet, ou existe-t-il d’autres solutions ?

Je vous en soumets une, monsieur le ministre : il faut rebudgétiser ces ressources exceptionnelles. Je comprends d’autant moins votre opposition au principe de cette rebudgétisation que la constitution d’une société de projet à capital public accroît la dette publique au sens des critères de Maastricht. On peut certainement trouver des solutions plus simples à un problème provisoire, puisque vous dites que ces fréquences seront vendues. On pourrait ainsi imaginer que l’Agence des participations de l’État, au travers d’un compte d’affectation spéciale, mette en place une tuyauterie permettant à un fonds de concours d’alimenter le budget de la défense. Vous êtes un suffisamment fin connaisseur de ces techniques de financement pour nous éviter de recourir à cette solution des sociétés de projet.

Ce n’est pas que je sois par principe opposé à la constitution de telles sociétés : je veux simplement que le Parlement soit tenu parfaitement informé de ces opérations, et c’est précisément l’objet de ce sous-amendement.

Au-delà de la question de ces sociétés de projet, il nous faut trouver les moyens d’assurer à nos armées et à nos militaires une dotation budgétaire de la LPM stable et lisible. Selon le général de Villiers, chef d’état-major des armées, la LPM est déjà un costume très étroit auquel il ne doit pas manquer un euro. Je crains que la constitution de ces sociétés de projet, qui se traduira mécaniquement par des dépenses de fonctionnement supplémentaires, ne rende le costume trop étroit pour nos armées.

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