Intervention de Bernard Boucault

Réunion du 5 février 2015 à 9h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Bernard Boucault, préfet de police de Paris :

Maurice Grimaud est un modèle pour nous. Pour répondre à votre première question, je citerai ce que je dis toujours lors de la réunion de briefing préalable à une manifestation avec toutes les personnes qui participeront au maintien de l'ordre : « Cet après-midi, nous n'aurons pas devant nous des adversaires mais des citoyens qui veulent exercer leur droit de manifester pour exprimer leur opinion, et notre devoir est de garantir cette liberté, en leur permettant de l'exercer en toute sécurité. » C'est cela, selon moi, l'ordre public républicain, et il doit inspirer toutes les décisions que nous prendrons au cours de la manifestation.

La concertation préalable est extrêmement importante, et je souhaite qu'elle s'impose en droit positif. Je pense également qu'il faut prévoir des engagements en matière de service d'ordre. Quand on organise une manifestation, on doit prendre ses responsabilités et prévoir un service d'ordre en conséquence, adapté à la mobilisation que l'on attend. Certains organisateurs n'y manquent pas ; les grandes centrales syndicales, les grands partis politiques ont un grand savoir-faire dans ce domaine, et le travail avec leurs services d'ordre est facile. Ce n'est pas le cas pour des organisations aux structures plus légères, qui n'ont pas les moyens d'assurer le calme dans leurs manifestations. Il me semble important que nous puissions imposer aux organisateurs des engagements précis sur le service d'ordre.

Je fais confiance au juge pour déterminer ce qui est attroupement et ce qui ne l'est pas. On se rend compte assez rapidement si ceux qui refusent de se disperser à la fin d'une manifestation troubleront l'ordre public ou non. Les textes et la jurisprudence sur l'attroupement nous permettent de travailler dans de bonnes conditions.

Les organisations avec lesquelles nous avons des difficultés sont souvent des organisations extrémistes. Les déclarants ne sont pas forcément les responsables en vue, mais des inconnus, qui signent au nom de telle ou telle organisation. Nous avons connu de grandes difficultés lors des manifestations contre le mariage pour tous, l'année dernière. Certaines manifestations se sont très bien déroulées, puis, à mesure que des tensions sont apparues parmi les organisateurs, que des scissions se sont produites, avec la création de nouveaux mouvements comme le Printemps français, et la réapparition de certains groupuscules d'extrême-droite qui avaient plus ou moins disparu de la scène parisienne, certains interlocuteurs n'avaient plus les moyens d'assurer la bonne tenue de leurs manifestations, ou bien ne le souhaitaient pas, l'objectif pouvant être, précisément, de commettre des violences.

Le renseignement territorial est une part importante de l'activité de la direction du renseignement et celle qui mobilise le plus de personnel au sein de la direction, avec des services territoriaux dans les départements de l'agglomération, en Seine-Saint-Denis, en Val-de-Marne et dans les Hauts-de-Seine. Les manifestations représentent à peu près 30 % de l'activité de renseignement. Nous travaillons en étroite concertation avec les autres services de renseignement, y compris ceux qui travaillent en milieu fermé. La DGSI peut nous donner des informations sur les risques présentés par tel ou tel individu. Le service du renseignement territorial demande à tous ses postes départementaux, quand il y a une grande manifestation nationale à Paris, d'évaluer le nombre de personnes qui vont se rendre à Paris et les moyens avec lesquels ils vont s'y rendre. La plus grande manifestation depuis la guerre a été celle pour l'école libre en 1984 : les 6 500 cars de manifestants, garés sur le périphérique, en faisaient le tour complet.

Nous avons plusieurs types de caméras pour filmer les événements : des caméras tactiques sur les lieux de dispersion et des caméras mobiles utilisées par la DOPC ou la direction du renseignement pour filmer des interventions. Ces caméras sont très utiles lors de la phase des enquêtes judiciaires et pour procéder à des interpellations décalées dans le temps.

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