Intervention de Daniel Vaillant

Réunion du 5 février 2015 à 9h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Vaillant :

L'un des objectifs du maintien de l'ordre étant de faire le moins de victimes possible, il me semble qu'il ne serait pas inutile de faire le bilan statistique des manifestations lors desquelles la préfecture de police a effectué des opérations de maintien de l'ordre, afin de voir durant quelles périodes on a déploré le moins de morts et de blessés. Ainsi les manifestations de 1968, pourtant difficiles à gérer, se sont-elles soldées par un bilan très léger grâce à l'excellent travail du préfet Grimaud – ce qui m'a conduit à proposer que son nom soit donné à une rue du 18e arrondissement de Paris, ce qui sera fait en juin prochain.

L'organisation spécifique à la ville de Paris – en ce qu'elle comporte une préfecture de police – est bien rodée et donne d'excellents résultats en dépit du nombre élevé de manifestations ayant lieu chaque année dans la capitale, et de leur diversité : on peut se féliciter que la liberté de manifester y soit constamment préservée, tandis que le maintien de l'ordre y est assuré.

Ce que je disais tout à l'heure au sujet des blessés et des morts vaut aussi pour les policiers : il serait intéressant de savoir quel est le tribut payé par les forces de police et de gendarmerie au cours des manifestations. Je me rappelle qu'au cours d'une grande manifestation organisée à Paris au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle de 2002, un commissaire de police a été très grièvement blessé par une personne appartenant à un groupe extrémiste. On passe trop souvent sous silence le fait qu'il y a aussi des blessés et des morts parmi les forces de l'ordre, qui oeuvrent à la préservation de la liberté de manifester et de l'ordre républicain – alors que, mis à part le cas de Malik Oussekine en 1986, très peu de victimes sont à déplorer parmi les manifestants au regard du nombre de manifestations ayant lieu à Paris chaque année.

On sait que le dispositif que vous avez développé à Paris n'est pas transposable à d'autres territoires, compte tenu des caractéristiques particulières de la capitale et des moyens spécifiques de la préfecture de police. Néanmoins, le ministère de l'intérieur ne pourrait-il tirer des leçons, au niveau national, de l'expérience parisienne en matière de maintien de l'ordre ?

En termes d'anticipation, le renseignement territorial est heureusement revenu d'actualité et sera renforcé à la lueur des drames vécus dans notre pays. C'est ce qui vous a opportunément permis, en juillet dernier, d'interdire des manifestations à Barbès, dont on savait comment elles se seraient terminées, puisqu'elles étaient motivées par des objectifs antisémites connus. Pour ma part, je suis très attaché à la loi de 1991, désormais intégrée au code de la sécurité intérieure. Je voulais vous interroger au sujet des interceptions administratives effectuées par la préfecture de police ou la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) dans le cadre de cette loi. Si les interceptions de sécurité ont occasionnellement pu donner lieu à certaines dérives, j'approuve le principe de cette pratique nécessitant l'autorisation du Premier ministre et de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) – dont j'ai été membre durant cinq ans. Selon vous, serait-il utile de faire évoluer le dispositif législatif relatif à ces interceptions ?

Certaines manifestations sont moins bien maîtrisées que d'autres et donnent lieu à des incidents : on se souvient, par exemple, du passage de la flamme olympique en 2008, des débordements survenus au Trocadéro lors de ce qui aurait dû être la fête célébrant le titre de champion de France de l'équipe du PSG en 2013, ou encore de certains matchs de football. Même les petites manifestations peuvent créer des problèmes : je pense à l'« apéro saucisson pinard » de la Goutte d'Or en 2010, que le préfet Michel Gaudin a eu raison d'interdire, comme je le lui avais conseillé – et qui s'est finalement terminé dans le 7e arrondissement. Je ne suis pas spécialement favorable aux interdictions, mais il faut savoir y recourir en cas de besoin, c'est-à-dire quand les objectifs avoués d'une manifestation sont incompatibles avec les textes fondamentaux de la République.

La manière dont les forces interviennent peut donner lieu à des contestations – allant parfois jusqu'à la saisine de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) – notamment dans le cas de petites manifestations. Je regrette que l'on ne connaisse pas toujours les suites données aux mises en cause de policiers effectuées dans ce cadre, car l'IGPN devrait s'attacher à faire la vérité soit sur les manquements des forces de l'ordre, soit sur l'absence de fondement des mises en cause dont elles ont fait l'objet. La transparence passe par la connaissance de la réalité des faits.

Enfin, puisque notre collègue Larrivé a évoqué des incidents survenus lors des manifestations de 2013, je rappelle que le défenseur des droits ne constitue pas la seule voie de recours pour les manifestants, qui ont toujours la possibilité de porter plainte. En l'occurrence, l'affaire qu'il évoque a-t-elle donné lieu à un dépôt de plainte ?

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