Intervention de Jean-Paul Bacquet

Réunion du 5 février 2015 à 9h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Bacquet :

Monsieur le préfet, vous dites qu'il y a en fait deux types de manifestations. Les unes sont organisées par des personnes responsables, douées de maturité politique et d'une grande connaissance des lois de la République ; souvent dotées de leur propre service d'ordre, qui travaillent de concert avec les forces de l'ordre, elles ne vous causent jamais de difficultés. Les autres, spontanées ou venant infiltrer d'autres manifestations, qu'elles soient marquées par une volonté de déstabiliser l'ordre public, donc la République, ou qu'il s'agisse simplement des agissements de bandes de casseurs, sont très difficiles à contrôler – il est même fréquent que l'on y découvre des individus porteurs d'armes.

D'une manière générale, les manifestations sont plus dangereuses qu'autrefois en raison des moyens de communication dont disposent les manifestants – des moyens qui, d'une part, leur permettent de faire circuler l'information plus rapidement, donc d'accroître leur mobilité, d'autre part, ont pour conséquence de favoriser la diffusion de rumeurs parfois sciemment répandues à des fins de manipulation : en tant qu'ancien combattant de mai 1968, je peux vous dire que nous sommes bien loin d'une époque où seuls les cris se propageant de loin en loin nous prévenaient qu'une barricade venait d'être enfoncée ! Je crains fort qu'au cours des années à venir, les événements mondiaux ne soient pas sans conséquences sur l'ordre public en France.

Afin de contrer l'escalade de la violence, nous devons faire des efforts très importants en matière de renseignement, mais aussi améliorer le système d'information, et pas seulement en ce qui concerne les obligations relatives à la déclaration préalable des manifestations. À mon sens, nous devons également nous interroger sur le rôle des chaînes d'information en continu qui, consciemment ou non, ont parfois tendance à mettre de l'huile sur le feu. En 1998, le préfet Magnier avait déclaré à la télévision, avant la nuit du 31 décembre, que le dispositif de sécurité mis en place par ses soins allait se traduire par une nette diminution du nombre de voitures brûlées à Strasbourg. Bien mal lui en prit, car les jeunes virent dans ses propos une incitation à en brûler plus que l'année précédente ! Comme on le voit, une déclaration malheureuse peut avoir des conséquences très dommageables, surtout quand elle est amplifiée par les médias.

Comme je l'ai dit précédemment, l'ordre public, c'est la République. De ce point de vue, sans doute ne devrait-on pas se contenter d'une obligation de déclaration préalable de toute manifestation, mais assortir cette déclaration d'un rappel aux organisateurs des comportements que l'on ne peut se permettre au cours d'une manifestation – une espèce d'éducation citoyenne à la manifestation, en quelque sorte.

J'ai demandé hier au ministre de l'intérieur s'il ne pensait pas que, face à la multiplication des manifestations incontrôlables et au danger qu'elles représentent, la suppression des grenades offensives pouvait donner l'impression que l'on avait désarmé la gendarmerie. Il m'a répondu que le fait que les policiers ne soient pas dotés de grenades offensives n'avait jamais posé de problèmes particuliers. Si j'apprécie beaucoup Bernard Cazeneuve, qui est un ami, j'estime qu'en n'équipant pas les gendarmes de matériels adéquats – en plus de cette décision de retrait des grenades offensives, j'évoquerai également le vieillissement de nos véhicules blindés, dont l'âge atteint parfois cinquante ans –, on ne se donne pas tout à fait les moyens de faire face aux problèmes qui se poseront demain. Le monde est en train de changer et, sur toute la planète, les facteurs de déstabilisation sont de plus en plus nombreux : nous devons en tenir compte et réfléchir aux moyens de préserver notre démocratie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion