Intervention de Bernard Boucault

Réunion du 5 février 2015 à 9h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Bernard Boucault, préfet de police de Paris :

Si je comprends l'esprit de la proposition de M. Larrivé consistant à créer une interdiction individuelle de manifester, la mise en oeuvre d'une telle disposition semble compliquée : s'il est possible d'interdire l'accès d'un stade, donc d'un lieu clos, à une personne, il est beaucoup plus difficile d'interdire à quelqu'un de se joindre à une manifestation, a fortiori dans une ville comme Paris. Une mesure de cet ordre se traduirait par une charge de travail supplémentaire pour les forces de police, surtout si l'interdiction visait plusieurs personnes. Pour ma part, j'estime préférable de faire confiance aux services de renseignement, qui nous informent efficacement sur les personnes susceptibles de troubler l'ordre public : il nous suffit alors de les attendre à la gare où elles arrivent de province et de les interpeller sur réquisition du procureur de la République. L'état du droit et la pratique mise en oeuvre avec les parquets nous permettent de gérer de manière satisfaisante les situations que vous évoquez et je crois que, de ce point de vue, un texte poserait sans doute plus de problèmes qu'il n'en résoudrait.

Pour ce qui est des informations données avant les manifestations, il est évident que les choses sont en train de changer. Ainsi, dès que le dispositif de maintien de l'ordre est arrêté, nous communiquons à ce sujet via le site de la préfecture de police et dans la presse quotidienne, mais aussi et surtout au moyen des réseaux sociaux : nous nous efforçons de donner des renseignements d'ordre pratique – en précisant, par exemple, qu'il sera interdit de stationner ou de circuler à tel ou tel endroit –, tout en nous abstenant de formuler des jugements qualitatifs sur ce que permettra ou non le dispositif mis en oeuvre. Dans le cas de grandes tensions, nous pouvons éventuellement appeler au calme, mais j'avoue que ce n'est pas une pratique habituelle : en ce qui me concerne, je préfère rester sobre en matière de communication. En principe, si une manifestation n'est pas interdite, c'est que nous estimons que la bonne volonté des organisateurs et leur service d'ordre vont permettre, avec le concours de nos propres moyens, qu'elle se déroule dans des conditions satisfaisantes. Une interdiction, en revanche, doit faire l'objet de mesures de publicité suffisantes – mais en général, c'est une information qui se diffuse très rapidement d'elle-même, ne serait-ce que par le biais des médias – je pense en particulier aux chaînes d'information en continu.

Enfin, pour ce qui est des mineurs, je distingue les jeunes enfants des autres mineurs. Pour nous, le terme de « mineurs » renvoie aux manifestations de collégiens et de lycéens, qui sont la hantise des responsables du maintien de l'ordre en raison de la totale inorganisation caractérisant généralement ce type de manifestations se décidant souvent de manière spontanée – même si, très exceptionnellement, une organisation existante peut prêter son service d'ordre. Dans ce cas, nous mettons en place des dispositifs placés à distance des cortèges, afin d'éviter de donner l'idée à certains jeunes de venir se confronter aux forces de l'ordre. Nous ne pouvons procéder comme nous le faisons habituellement compte tenu des précautions particulières que nous devons prendre, mais nous parvenons tout de même à gérer ces manifestations, en concertation permanente avec le recteur de Paris et les chefs d'établissements – qui apprécient le concours qu'on leur apporte, notamment en matière de renseignements. Il faut, dans ce cas, accepter un certain désordre : c'est le prix à payer pour que nos enfants ne se trouvent pas confrontés à une situation difficile.

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