Intervention de Patrice Carvalho

Séance en hémicycle du 12 février 2015 à 22h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 58

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

Issu des travaux de la commission spéciale, l’article dont nous discutons, qui avait reçu un avis défavorable, et du rapporteur, et de M. le ministre, entend permettre aux sociétés, quelle que soit leur taille, de ne plus rendre publics leurs comptes annuels. À l’heure actuelle, seules les micro-entreprises le peuvent. Or, il est proposé ici d’étendre cette possibilité à toutes les entreprises, qu’elles soient petites, de taille moyenne ou conséquentes. En clair : avec vous, la France, c’est l’île Maurice – sans le soleil !

Au regard du droit communautaire, tout d’abord, il semble que ce qui est ici proposé soit contraire aux normes européennes, notamment à la directive comptable de 2013. Un tel argument juridique exige déjà à lui seul le retrait de cette disposition, mais de nombreux arguments économiques ou sociaux viennent par ailleurs balayer la possible adoption de cette disposition.

Mes chers collègues, la transparence est un principe fondamental du bon fonctionnement de l’économie, qui contribue à son efficacité car il permet d’établir des relations saines entre les différents acteurs. Ce principe est fondamental pour les entreprises, quelle que soit leur taille.

Pour une entreprise à haut potentiel de développement, il est important de divulguer ses comptes à des tiers, notamment à des investisseurs. Pour les entreprises de taille supérieure, il importe d’avoir accès à ces informations financières pour s’assurer de la bonne santé de leurs partenaires. Enfin, pour les grandes entreprises, qui ont un poids important dans notre économie, il est nécessaire que l’ensemble des parties prenantes puissent connaître leurs revenus d’activité, ainsi que leurs bénéfices.

Or, ce que propose cet article, c’est de tirer purement et simplement un trait sur ces possibilités.

Par ailleurs, la transparence des données comptables revêt une utilité importante d’un point de vue social – je pense en particulier aux syndicalistes et aux représentants du personnel. L’accès à l’information comptable permet de connaître la politique sociale menée par une entreprise, par exemple en matière de rémunération. La transparence permet notamment de savoir comment la valeur ajoutée est répartie dans l’entreprise, et ainsi d’identifier les entreprises qui pratiquent le gel des salaires et celles qui mènent une politique salariale ambitieuse.

Enfin et surtout, compte tenu de l’actualité – riche dans ce domaine de la lutte contre l’évasion fiscale –, la mesure proposée irait à rencontre des avancées réalisées ici ou là car, rappelons-le, la transparence est capitale dans la lutte contre l’évasion fiscale. De fait, cet article va fondamentalement en sens inverse du large mouvement qui tend à renforcer la publicité de l’information. Il serait donc inconcevable qu’il soit adopté.

La sagesse exige une suppression en bonne et due forme de cette disposition du projet de loi. Pour ces raisons, les députés du Front de gauche voteront contre ce texte et soutiendront les amendements de suppression qui ont été déposés.

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