Intervention de Marie-Françoise Bechtel

Séance en hémicycle du 27 novembre 2012 à 21h30
Sécurité et lutte contre le terrorisme — Après l'article 2 bis a, amendements 25 16

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Bechtel, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

L'avis de la commission est défavorable pour de nombreuses raisons, aussi bien pratiques que juridiques.

Sur le plan pratique, l'utilité de ces amendements n'est pas évidente, car l'analogie avec le délit de consultation habituelle de sites pédopornographiques ne paraît pas totalement pertinente. La pratique judiciaire montre d'ailleurs que ce dernier délit est souvent difficile à prouver en l'absence de conservation des images par les internautes. Il faut donc présupposer que celui qui consulte des sites faisant l'apologie du terrorisme a conservé les images. Je note d'ailleurs que la création d'un tel délit n'est pas demandée par les magistrats antiterroristes.

Sur le plan des principes, la rédaction même de ces amendements pose des difficultés assez grandes. Tout d'abord, l'absence préoccupante de précision ne met pas seulement en cause la proportionnalité, comme il a été dit, mais bel et bien le principe de légalité des délits et des peines : en effet, lorsqu'une peine est encourue, l'incrimination correspondante doit être précisément définie. Or que lisons-nous au deuxième alinéa de l'amendement n° 16  ? Après avoir énoncé qu'est puni de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende le fait de consulter de façon habituelle un service de communication au public en ligne faisant l'apologie des actes de terrorisme, l'amendement précise : « le présent article n'est pas applicable lorsque la consultation résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice ». J'ai déjà eu l'occasion de souligner devant la commission que le principe en cause n'est pas ici celui de la proportionnalité, mais bien celui de la légalité des délits et des peines. J'ai ainsi donné l'exemple d'un enseignant ayant consulté de tels sites afin de mieux informer ses élèves : se situe-t-il ou non dans l'exercice normal de sa profession ? Tout cela est laissé à l'appréciation du juge, d'une manière beaucoup trop imprécise pour que nous puissions considérer que les principes constitutionnels sont respectés.

Quant à l'application provisoire, elle est radicalement impossible !

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