Intervention de Marc Dolez

Séance en hémicycle du 28 novembre 2012 à 15h00
Suspension du conditionnement alimentaire contenant du bisphénol a — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Dolez :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2010, les députés du Front de gauche ont résolument voté la proposition de loi visant à suspendre la commercialisation des biberons produits à base de bisphénol A. Mais nous avions aussi regretté le cadre restrictif de ce dispositif, ainsi que la frilosité du gouvernement de l'époque, trop sensible aux arguments développés par les industriels, qui s'appuyaient sur le caractère contradictoire des études disponibles pour arguer de l'innocuité du bisphénol A.

Aujourd'hui, face à la multiplication des études scientifiques, il n'est plus nié que cette substance soit très fortement suspectée d'être un perturbateur endocrinien. Le processus législatif aidant, beaucoup de ces industriels sont désormais engagés dans une dynamique de recherche de substituts au bisphénol A.

On ne peut évidemment que s'en féliciter, même si des résistances demeurent. Paradoxalement, l'étude de l'Agence de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, publiée le 27 septembre dernier, est ainsi contestée, malgré la clarté de ses conclusions, qui soulignent l'existence d'« éléments scientifiques suffisants pour identifier comme objectif prioritaire la prévention des expositions des populations les plus sensibles que sont les nourrissons, les jeunes enfants ainsi que les femmes enceintes et allaitantes ».

J'ajoute qu'en vertu du principe de précaution, élevé en 2005 au rang de valeur constitutionnelle, les autorités publiques se doivent d'agir, même si la réalisation du dommage est incertaine. C'est notre responsabilité de parlementaires de légiférer pour ne pas risquer un nouveau scandale sanitaire.

C'est pourquoi nous voterons bien sûr en faveur de la présente proposition de loi. Comme l'a rappelé brillamment notre rapporteur, trois pays européens ont d'ores et déjà décidé d'interdire la commercialisation des contenants de produits alimentaires comportant du bisphénol A et destinés à la petite enfance. Nous espérons que ce texte incitera nos partenaires européens à s'engager aussi dans cette voie, comme ils l'avaient fait en 2011 quand, suite à la notification à Bruxelles de la mesure de sauvegarde votée dans la loi du 30 juin 2010, interdisant la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A, la Commission européenne a étendu cette mesure à l'ensemble des États membres par une directive de 2011.

Notre adhésion à ce texte est aussi une invite à aller plus loin dans la démarche : le bisphénol A et les phtalates sont loin d'être les seuls produits chimiques dont les incidences néfastes sur la santé sont soupçonnées, si ce n'est avérées. C'est d'ailleurs le sens de l'amendement que nous avions déposé en 2010, visant à interdire à échéance de dix ans la fabrication, l'importation, la vente ou l'offre de produits contenant une ou plusieurs des substances cancérogènes mutagènes, ou reprotoxiques figurant aux tableaux 3.1 et 3.2 de l'annexe VI du Règlement européen du 16 décembre 2008.

Certes, nous ne méconnaissons ni le principe de réalité ni les difficultés d'une telle interdiction pour l'industrie, mais nous avons aussi la conviction que la nécessaire transition écologique, que nous appelons de nos voeux, serait un formidable levier d'innovation, de renouveau industriel, de création d'emplois et qu'elle pourrait donner des avantages concurrentiels décisifs à nos entreprises.

Pour toutes ces raisons de fond, les députés du Front de gauche voteront ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

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