Intervention de Bernadette Laclais

Séance en hémicycle du 28 novembre 2012 à 15h00
Suspension du conditionnement alimentaire contenant du bisphénol a — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernadette Laclais :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j'ai à coeur aujourd'hui de prendre part à la discussion générale de cette proposition de loi visant à la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.

C'est une question à laquelle, comme beaucoup d'entre vous sans doute, je suis attentive depuis plusieurs années. Je le suis, bien sûr, en tant que députée ; je le suis aussi en tant que mère et maire – vous pouvez choisir l'orthographe que vous voulez. Je suis en effet élue locale dans une ville qui attache beaucoup d'importance à la petite enfance et où la question du bisphénol A s'est posée dès les années 2000.

La question a été portée, d'abord, par les professionnels de la petite enfance, eux-mêmes alertés sur les perturbations endocriniennes possiblement causées par l'usage du bisphénol A dans les biberons par leurs collègues exerçant outre-Atlantique et plus particulièrement au Canada.

Au nom du principe de précaution, nous avons opté pour l'usage des biberons en verre au sein de toutes les crèches municipales, quand bien même cela rendait plus complexe le travail des équipes de puériculture : pour une centaine d'enfants, à raison de trois biberons quotidiens, et ce 250 jours par an, je vous laisse imaginer le nombre de manipulations de biberons en verre, donc plus délicates, réalisées chaque année à l'échelle de la ville. Environ 75 000.

Peu à peu, la découverte par le grand public de cette problématique, les interrogations grandissantes des parents comme les études complémentaires nous ont confortés dans ce choix, qui s'est trouvé justifié par les études scientifiques.

L'évolution dont nous discutons aujourd'hui, dans le prolongement de la loi de juin 2010, qui concernait uniquement la présence de bisphénol A dans les biberons, est un grand pas. Il est très attendu. Il reconnaît à ce sujet sa vraie dimension de problème de santé publique dépassant la petite enfance. Il consacre une restriction par la loi qui, dans l'état actuel des études et au-delà des comportements déjà adoptés à l'échelle locale voire individuelle, préserve l'ensemble de la population des expositions, notamment ceux qui y sont le plus sensibles, les nourrissons, les enfants en bas âge et les adolescents.

Je souhaite saluer, à cette occasion, l'implication dans ce dossier de notre collègue député de Haute-Garonne Gérard Bapt, déjà saluée par beaucoup d'orateurs. Il mène ce combat depuis des années dans le cadre de la commission des affaires sociales, avec détermination et responsabilité.

De la détermination, il en a fallu dès l'origine, tant les effets sur la santé du bisphénol A ont longtemps été contestés. L'évolution de la position des industriels lors des dernières auditions témoigne à cet égard du chemin parcouru. La prise de conscience du problème est désormais collective et partagée.

De la détermination, il en a fallu aussi pour donner un signal fort à l'industrie. Cela a permis, sans aucun doute, d'accélérer le lancement des recherches réalisées par les industriels pour trouver des substituts au bisphénol A. De ce point de vue, je partage l'avis de notre collègue Christian Hutin selon lequel cela donne à la filière française des atouts par rapport aux autres pays.

Cette détermination, pour tenace qu'elle soit, doit aussi faire preuve de responsabilité en s'assurant de la faisabilité effective des décisions que nous sommes amenés à voter. Sans renoncer sur le fond, nous devons prendre en compte les réalités du terrain, notamment celles des industriels, tant dans les délais d'application que dans l'application de la loi. Les calendriers proposés et l'échelonnement des obligations satisfont à cette exigence de responsabilité en faisant la distinction entre les matériaux destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires et les autres. Une application plus large aurait rendu la mesure inapplicable dans les délais impartis.

La responsabilité commande d'interdire un produit quand il s'avère dangereux pour la santé, mais en s'assurant bien évidemment aussi de l'innocuité des substituts qui seront proposés. La demande qu'à la date du 1er juillet 2014, soit six mois avant l'entrée en vigueur de la loi, un rapport soit remis par le Gouvernement au Parlement évaluant les substituts possibles au bisphénol A pour ses applications industrielles au regard de leur éventuelle toxicité, va dans ce sens.

Je me réjouis donc de cette évolution législative. Je salue à cette occasion celles et ceux qui ont pris toute leur part dans le processus. Les associations, dont certaines auraient sans doute voulu plus et plus vite. Il faut des aiguillons, tel est leur rôle. Les chercheurs, dont les travaux ont clarifié les vrais enjeux. Les entreprises, qui doivent intégrer cette nouvelle donne au nom de la santé publique sans que soit remis en cause leur positionnement au plan européen, voire international. À nous, politiques, de concilier tous ces enjeux, comme le propose ce texte. Je forme le voeu que la France soit suivie dans cette action au niveau européen et au plan mondial. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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