Intervention de Annick Le Loch

Séance en hémicycle du 28 novembre 2012 à 15h00
Suspension du conditionnement alimentaire contenant du bisphénol a — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Le Loch :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, j'ai sollicité la possibilité de m'exprimer dans la discussion générale sur ce texte après avoir été plusieurs fois interpellée, depuis plus d'un an, par des industriels fabricants de conserves, dans ma circonscription. Elle est en effet capitale européenne de la conserve de poisson. On y trouve également un certain nombre de producteurs de pâté renommés et un fabricant de boites métalliques.

Dans le contexte de crise économique que nous vivons tous, et plus particulièrement de l'augmentation du prix des matières premières que les industriels de l'agroalimentaire subissent de plein fouet, j'ai été attentive à leurs interpellations sur les délais de l'interdiction du bisphénol A, sur le coût de sa mise en oeuvre et sur la suspension des exportations. J'ai mesuré les conséquences économiques qu'une interdiction trop rapide pourrait avoir dans les entreprises si elle était « déconnectée » de la réalité industrielle.

Après que vous avez bien voulu, madame la présidente, nous donner la parole en commission, mes collègues Chauveau, Bricout, Guilbert et moi-même avons déposé quatre amendements qui permettraient, s'ils étaient adoptés, d'encourager encore davantage les industriels à porter l'impératif de santé publique que nous partageons tous. Il n'est pas question de remettre en cause ici l'interdiction du bisphénol A, dont la dangerosité est avérée. On dispose de solides arguments à l'encontre de cette substance chimique utilisée depuis plus de quarante ans dans notre pays pour des usages alimentaires et non-alimentaires, et dont la toxicité est aujourd'hui avérée, par exemple pour la reproduction. De nombreux avis scientifiques ont été émis, notamment par l'Agence nationale de sécurité sanitaire en 2011, justifiant en effet une interdiction par précaution. Je me réjouis donc de son interdiction, effective dès 2013, dans les contenants alimentaires destinés aux enfants de moins de trois ans.

« Le principe de précaution n'est pas une sanction », avez-vous déclaré, madame la ministre. Je partage votre avis. Néanmoins, remplacer trois millions de tonnes de bisphénol A, au demeurant importé, par un autre produit n'est sans doute pas simple, et rien ne serait pire que de le remplacer par des substances insuffisamment évaluées, qui ne donneraient pas toutes des garanties sanitaires.

La prise en compte du risque, le travail de recherche initié depuis plusieurs années par les conserveurs et les fabricants de boîtes sont, me semble-t-il, une preuve de leur engagement. À titre d'exemple, Franpac, à Douarnenez, produit déjà sept à huit millions de boîtes contenant des produits de substitution au bisphénol A. Il est, par contre, plus problématique de trouver des substituts pour certains types de boites de conserves, en particulier celles contenant des denrées acides. Des substances de remplacement aux résines époxy fabriquées à base de bisphénol A sont en cours d'étude. Leur innocuité est à prouver, ainsi que leur conformité aux différents usages alimentaires.

C'est un équilibre entre le temps de la recherche, celui de l'évaluation et la réalité de la production industrielle qu'il nous faut trouver. L'enjeu est de taille pour les chefs d'entreprise aussi. Rappelons que la sécurité alimentaire est leur priorité, dont dépend leur réussite économique. La date du 1er janvier 2016 ou celle de juillet 2015 votée par le Sénat permettrait aux industriels d'adapter leur appareil de production dans des délais compatibles avec leur réalité économique et raisonnables pour assurer la sécurité alimentaire des consommateurs.

Quant aux conserveurs et fabricants de boîtes métalliques, l'enjeu à moyen terme réside également dans la gestion de leurs stocks. Dans un contexte économique difficile, marqué par la diminution de la consommation des ménages, imposer une nouvelle contrainte à l'exportation et à la mise sur le marché risque peut-être de freiner l'un des moteurs de croissance de l'industrie française qu'est l'agroalimentaire.

Pour rappel, la filière des conserves réalise 1,1 milliard d'euros de chiffre d'affaires à l'export. Pour l'entreprise Franpac de Douarnenez, c'est 80 millions d'euros, soit 40 % de son chiffre d'affaires. De plus, les commandes sont passées annuellement, les emballages sont personnalisés et concernent des produits saisonniers avant récolte. Aussi, les stocks de boîtes sont importants et représentent environ 15 millions d'euros.

Nous sommes précurseurs pour l'interdiction du bisphénol A. C'est bien. Mais il faut aussi que nous soyons suivis par l'Europe, et rapidement. Nous devons tout faire collectivement pour que cette interdiction soit mise en oeuvre dans de bonnes conditions pour les industries de la conserve, pour lesquelles cela pourrait devenir un avantage commercial. Il y va aussi de notre crédibilité et de la confiance envers notre travail.

Vous l'aurez compris, je soutiens bien évidemment cette proposition de loi. Je remercie moi aussi Gérard Bapt pour son engagement de longue date sur les questions de santé publique – et je pense en ce moment aux victimes du Mediator – et pour sa contribution perspicace à l'enrichissement de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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