Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 19 février 2015 à 15h00
Motion de censure

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Nous vous avions dit, dès le dépôt de votre projet de loi, que nous ne souscrivions pas à la méthode consistant à regrouper des mesures qui n’avaient rien à voir les unes avec les autres. Nous vous avions dit, monsieur le Premier ministre, que cette méthode risquait de coaguler des oppositions plutôt que d’inspirer des compromis dynamiques, et qu’elle ne permettrait pas une discussion poussée. Nous vous avions prévenu qu’elle vous contraindrait à recourir sans doute plus que de besoin à des ordonnances sur des sujets extrêmement sensibles – je pense notamment au droit de l’environnement –, alors que l’expérience nous apprend que dans ces domaines, le travail parlementaire – qui permet de prendre en compte des réalités du terrain – aboutit à des textes plus efficaces que les ordonnances.

Nous vous avions dit, monsieur le ministre de l’économie, que de nombreuses dispositions de ce projet de loi ne pouvaient pas être mises en oeuvre sans être profondément amendées et retravaillées avec l’ensemble des composantes de la majorité. Je pense notamment au travail dominical, question sur laquelle la situation actuelle n’est pas satisfaisante, notamment à cause de l’héritage de la loi Mallié, adoptée sous la précédente législature. Ce problème mérite mieux que quelques articles au sein d’un projet de loi auquel 150 nouveaux articles ont été ajoutés au cours de cette première lecture.

Nous vous avions dit, enfin, qu’à notre sens, le développement de l’activité économique nécessitait des choix plus clairs et plus déterminés, ainsi qu’un meilleur ciblage des actions de l’État en faveur des secteurs économiques d’avenir – notamment de ceux liés à la transition écologique. Selon son titre, l’objectif de ce projet de loi est de favoriser la croissance durable et l’emploi ; dans ce cas, il est indispensable de travailler plus profondément à la question écologique et à l’accompagnement économique de la transition énergétique. Voilà pourquoi le groupe écologiste a annoncé mardi midi qu’il ne voterait pas ce projet de loi.

Nous ne considérons pas qu’il constituerait une régression insupportable du droit social, comme le prétendent certains. Certes, comme le Président de la République l’a dit fort justement, ce n’est pas « la loi du siècle » ; elle n’en représente pas moins, pour nous, une occasion manquée. Sur des sujets à nos yeux essentiels, le point d’équilibre n’a pas été atteint. Un nombre non négligeable de collègues d’autres groupes de gauche était, manifestement, dans le même état d’esprit que nous – souvent pour des raisons différentes, d’ailleurs. Vous avez mesuré le risque de voir le texte rejeté par l’Assemblée. En engageant la responsabilité du Gouvernement sur ce texte, en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution, vous vous êtes saisi d’une arme qui est certes constitutionnelle, mais qui est par nature exceptionnelle – bien qu’elle ait déjà été utilisée par bien d’autres gouvernements. Or dans une démocratie parlementaire apaisée, les procédures d’exception sont toujours le signe d’une impasse.

Pour les députés écologistes, il convient de tirer les conséquences de l’impasse dans laquelle toute la majorité est actuellement engagée. On entend des commentateurs discuter si cet usage de l’article 49 alinéa 3 signe l’échec du Gouvernement sur ce texte : querelle byzantine bien éloignée des préoccupations des Français ! Sachons reconnaître la réalité, et ne nous lançons pas dans ces jeux délétères. À la vérité, toute la majorité est engagée dans l’impasse que je mentionnais à l’instant ; la majorité dans son ensemble doit donc trouver le moyen d’en sortir pour conduire d’autres changements d’ici 2017.

Pour sortir de l’impasse, la première condition est d’éviter la bataille stérile qu’entraînerait la recherche des responsabilités des uns et des autres, la stigmatisation et les petites phrases. Celles-ci font parfois du bien au moment où on les prononce, mais elles ne font que creuser les fossés, et rendre plus difficile l’indispensable travail collectif qu’il nous appartient d’accomplir.

Faisons en sorte, monsieur le Premier ministre, qu’à quelque chose malheur soit bon. Le vote qui aura lieu tout à l’heure permettra de clarifier deux points. Premièrement, il permettra de compter ceux qui s’associeront à la motion de censure, et donc de constater qu’il n’y a pas, dans cette assemblée, de majorité alternative.

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