Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 19 février 2015 à 15h00
Motion de censure

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Non contents d’utiliser la procédure du temps législatif programmé – qui, je le rappelle, a limité drastiquement le temps de parole des députés –, non contents d’abuser du recours aux ordonnances qui confine lui aussi au déni de démocratie, vous imposez aujourd’hui le 49-3, qui bâillonne les députés qui voulaient voter contre ce texte.

Vous avez voulu tendre un piège institutionnel pour faire entrer tout le monde dans le rang. Nous refusons ce chantage politique tant notre parole est libre. Monsieur le Premier ministre, votre calcul politicien est à court terme. Vous ne pourrez pas toujours empêcher les convergences de s’exprimer et de se renforcer en faveur d’une alternative à gauche. Vous ne pourrez pas non plus masquer ad vitam votre rapprochement avec la droite par des envolées verbales aussi artificielles que trompeuses.

Mais ce qui est plus grave aujourd’hui, c’est que la comédie politique à laquelle vous vous livrez aggrave le fossé qui se creuse entre nos concitoyens et les élus. La crise à laquelle vous êtes confronté aujourd’hui est aussi morale. La dimension parfois technique des débats ne saurait masquer l’enjeu de l’offre politique alternative et du choix de société. En cela, la crise n’est pas technique, mais foncièrement existentielle : elle interroge notre rapport à nous-mêmes, au monde et à l’Autre, au capital et au travail.

Résignés et tétanisés face à la puissante vague néolibérale et réactionnaire, certains de ceux qui se disent progressistes ont déserté le combat des idées et des valeurs pour se laisser guider par un « gestionnisme réaliste ». Comme si un destin commun s’appréciait à l’aune des seuls taux directeurs de la BCE, de la croissance, de la dette publique, des sondages – à défaut de tout socle moral, prenant en compte, avant tout, l’humain. L’humain d’abord, l’humain avant tout !

La fracture entre le peuple et les élites – politique, financière, médiatique, bureaucratique, intellectuelle – se nourrit d’un profond sentiment d’injustice, qui cultive lui-même les divisions et les antagonismes, dans une société sclérosée en son sommet, profondément inégalitaire, sous tension identitaire, et incertaine de ses valeurs communes.

Soyons clairs. Pour des députés de la gauche progressiste…

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