Intervention de Alain Claeys

Réunion du 17 février 2015 à 17h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Claeys, corapporteur :

En juin dernier, le Premier ministre nous a demandé un rapport sur la question des patients en fin de vie, question dont vous avez rappelé, madame la présidente, qu'elle a fait l'objet de nombreux travaux depuis l'élection du Président de la République. On peut évoquer, entre autres, le rapport commandé par ce dernier à M. Sicard, l'avis du Comité consultatif national d'éthique et le rapport publié par cette instance sur la base de la consultation citoyenne et d'autres travaux. Enfin, sous la présente législature, votre commission a examiné deux propositions de loi sur le sujet.

Au seuil de nos travaux, l'établissement d'un nouveau rapport nous est rapidement apparu inutile : la question était plutôt celle d'une avancée législative qui pût s'appuyer sur les rapports précédents et réunir opposition et majorité. Je ne reviendrai pas, d'autre part, sur les nombreuses auditions que nous avons conduites ; elles témoignent de ce que la représentation nationale et l'exécutif ont à répondre à une question centrale, l'égalité de nos concitoyens face à la mort. Sur ce sujet, des inégalités subsistent entre les territoires et les hôpitaux, mais aussi entre les patients qui meurent à domicile ou en maison de retraite. Ce sont 51 % de patients qui, rappelons-le, décèdent au sein des services d'urgence.

Les soins palliatifs, qui sont de droit, sont très inégalement répartis sur le territoire. On n'en administre guère à domicile et dans les maisons de retraite et, lorsqu'ils font l'objet d'un service dédié au sein des hôpitaux, ils n'interviennent qu'en toute fin de vie ; qui plus est, ils n'ont que peu de lien avec les soins curatifs, sauf en cancérologie. De telles inégalités sont très vivement ressenties par nos concitoyens. Enfin, la fin de vie pose également l'enjeu central de la formation des médecins.

Il est donc indispensable que notre proposition de loi s'accompagne d'un engagement de l'exécutif sur le développement des soins palliatifs et sur la formation des médecins. Le Président de la République s'est déjà exprimé à ce sujet ; le ministère de la santé et le secrétariat d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche doivent aussi s'engager.

Nos concitoyens ont formulé deux voeux très clairs : celui d'être entendus ; celui d'avoir la possibilité d'une fin de vie apaisée et digne, qu'il s'agisse d'eux-mêmes ou de leurs proches. C'est à cette double interpellation que Jean Leonetti et moi avons tenté de répondre.

La fin de vie fait débat : faut-il laisser, voire faire mourir les patients concernés ? Notre texte ne tranchera pas cette question, dont nous devons débattre de façon calme et apaisée.

Nous ne partions pas de rien puisque la loi Kouchner de 2002 et la loi Leonetti de 2005, adoptée à l'unanimité, avaient déjà fixé un cadre. La nécessité d'un nouveau texte tient cependant à plusieurs raisons, à commencer par la méconnaissance de la loi Leonetti, laquelle, je le dis d'autant plus facilement que je l'avais votée, est également tournée vers les médecins davantage que vers les patients, auxquels notre texte entend donc conférer de nouveaux droits ; pour ce faire notre proposition de loi vise les directives anticipées, qui s'imposeront au médecin – moyennant certains garde-fous –, sans supprimer, bien entendu, le dialogue singulier qui le lie aux patients et à leur entourage.

Nos concitoyens, je l'ai dit, veulent également être entendus : c'est l'enjeu de la sédation profonde continue, jusqu'au décès, administrée conjointement à l'abandon des traitements curatifs. Cette demande, formulée dans des conditions précisées à l'article 3, engage donc des actes médicaux ; elle pourra intervenir dans trois cas de figure, sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir.

Le Parlement, je crois, commettrait une faute en n'apportant pas de réponse aux inégalités que j'évoquais et aux aspirations de nos concitoyens.

Vous avez enfin évoqué, madame la présidente, la consultation citoyenne décidée par le président de l'Assemblée nationale. Une telle consultation ne me choque en rien, bien au contraire : il n'est pas question d'opposer démocratie représentative et démocratie participative, quelle que soit la forme qu'elle prenne, et, sur de tels sujets, un éclairage peut être utile au législateur. Cependant, comme je l'ai dit au président Bartolone, les contributions seront d'autant plus utiles qu'elles reposeront sur des avis éclairés. Chacun n'ayant pas le même niveau d'interprétation sur des sujets parfois complexes, un accompagnement me paraît nécessaire. Les services de la commission ont procédé au dépouillement des quelque 10 000 contributions sur le présent texte ; sans doute faudra-t-il réfléchir aux moyens de renforcer ce type de procédure.

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