Intervention de Isabelle Le Callennec

Réunion du 17 février 2015 à 17h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Le Callennec :

Permettez-moi tout d'abord de rendre hommage à Jean Leonetti. Auteur de la loi éponyme adoptée à l'unanimité en 2005, il s'emploie sans relâche et avec passion à en expliquer les contours aux équipes médicales et aux familles.

Dix ans après la promulgation de cette loi, on s'accorde généralement à reconnaître qu'elle répond à une très grande majorité des situations de fin de vie. En revanche, tous les rapports insistent sur le fait qu'elle est mal connue et pas systématiquement appliquée, que les soins palliatifs auxquels les patients devraient pouvoir prétendre ne sont pas accessibles à tous, et qu'il y a lieu de s'interroger sur quelques rares situations que la loi ne couvre pas.

Cette question fondamentale de la fin de vie a fait l'objet d'une large concertation, souhaitée par le Président de la République « dans un esprit de rassemblement » : avis du Comité consultatif national d'éthique, rapport Sicard, et même consultation citoyenne qui aurait donné lieu à environ 12 000 contributions sur le site de l'Assemblée nationale en moins de quinze jours. Nous autres, commissaires aux affaires sociales, nous aimerions prendre connaissance de ces contributions qui sont censées alimenter nos travaux parlementaires.

Revenons à cette proposition de loi que vous qualifiez, chers collègues, d'opérative. Je veux saluer la contribution des deux rapporteurs : Jean Leonetti, du groupe UMP, et Alain Claeys, du groupe SRC. Leurs travaux nous éclairent sur l'état de la prise en charge de la fin de vie dans notre pays et proposent les moyens de l'améliorer via cette proposition de loi dont nous partageons pleinement l'esprit : le refus de l'acharnement thérapeutique et de l'obstination déraisonnable ; la non-souffrance de la personne mais l'interdiction de tuer qui est et doit rester absolue.

À l'instar de Robert Badinter, nous estimons que le droit à la vie est le premier des droits de l'homme et que personne ne peut disposer de la vie d'autrui. C'est la raison pour laquelle nous restons opposés à toute légalisation de l'euthanasie. Nous mettons aussi en garde contre la tentative d'aide active à mourir qui risque de recouvrir les mêmes réalités.

Au contraire, nous estimons que notre corpus juridique doit créer les conditions favorables à un accompagnement tout au bout de la vie. Il s'agit de nos semblables ; ils se trouvent dans une situation d'extrême fragilité et rien dans notre regard ne doit trahir l'idée qu'ils ne seraient plus dignes de vivre. Nous avons de nombreux témoignages d'équipes qui travaillent dans des unités de soins palliatifs. Si les demandes de recours à l'euthanasie existent, dans l'immense majorité des cas elles ne sont pas réitérées dès lors que les personnes sont soutenues et accompagnées, que leur souffrance est soulagée.

Nous devons donc parvenir à concilier le devoir des médecins et le droit des malades. Si la loi est mal appliquée par le monde médical, c'est par manque d'information et de formation. Le Président de la République a annoncé que la formation des jeunes médecins allait être renforcée dès la prochaine rentrée universitaire, ce dont nous nous réjouissons.

Si le recours aux soins palliatifs n'est pas systématique, c'est parce que notre pays ne compte pas suffisamment d'unités spécialisées. Dans son dernier rapport, la Cour des comptes s'est intéressée aux personnes décédées à l'hôpital en 2009 : seulement un tiers de celles qui auraient pu recevoir des soins palliatifs en a effectivement bénéficié. La Cour constate néanmoins des progrès réels entre 2007 et 2012 : une augmentation de 35 % des unités spécialisées, de 65 % des lits identifiés et de 24 % des équipes mobiles. Pour les équipes qui y font un travail remarquable de soin, pour les bénévoles des associations qui s'engagent avec humanité dans l'accompagnement psychologique, la crainte est grande qu'une légalisation de l'euthanasie ne soit prétexte à relâcher les efforts.

Nos collègues Alain Claeys et Jean Leonetti nous proposent une voie d'amélioration de la loi sans en dévoyer l'esprit, notamment grâce à deux mesures emblématiques : une meilleure prise en compte des directives anticipées, contraignantes et non opposables ; un droit absolu à la prise en compte de la souffrance via la sédation profonde et continue jusqu'à la mort, quand le pronostic vital est engagé à court terme.

Dans sa très grande majorité, le groupe UMP estime qu'un point d'équilibre a été trouvé grâce à ce texte. Notre société a été bien malmenée par des réformes sociétales qui l'ont profondément divisée. Dans le contexte actuel, nos concitoyens attendent de nous, sur des sujets aussi sensibles, des propositions qui rassemblent.

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