Intervention de Arnaud Richard

Réunion du 17 février 2015 à 17h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Je m'associe à nos collègues pour saluer la qualité du travail de Jean Leonetti et Alain Claeys.

La loi Leonetti, relative aux droits des malades et à la fin de vie, adoptée à l'unanimité en 2005, constitue un point d'équilibre : elle permet de mieux respecter l'expression et la volonté des malades et de prendre en compte les souffrances de ceux qui sont en fin de vie, en faisant progresser les soins palliatifs ; elle autorise toute personne malade à refuser un traitement dont elle estime qu'il est devenu déraisonnable ; elle donne au médecin le droit d'interrompre ou de ne pas entreprendre des traitements qu'il estime inutiles, condamnant ainsi clairement l'acharnement thérapeutique.

Pour autant, des difficultés majeures subsistent : la douleur des patients n'est pas suffisamment prise en charge ; l'obstination déraisonnable demeure malheureusement une réalité dans notre pays ; l'accès aux soins palliatifs n'est pas toujours effectif ; la formation des médecins est encore largement insuffisante sur ce sujet.

Comment, dès lors, faire en sorte qu'il n'y ait ni souffrance ni abandon ni acharnement ? Si la loi de 2005 a permis d'éliminer des zones d'ombre, il en reste encore quelques-unes et deux questions majeures se posent. Doit-on et peut-on aller plus loin, dans certains cas exceptionnels où l'abstention thérapeutique ne suffit plus à soulager les patients qui souffrent de manière insupportable ? Doit-on et peut-on assumer un acte médical pour mettre fin à cette souffrance insupportable et irréversible ?

Ces deux questions en soulèvent de nombreuses autres. À partir de quel moment est-il possible de considérer que les traitements ne permettront pas d'éviter une issue fatale ? Comment juger du caractère insupportable de la douleur ? Comment s'assurer du consentement du patient ? Que faire dans les cas où ce consentement ne peut plus être obtenu ? Comment comprendre les directives anticipées alors même que le questionnement, face à la mort, évolue ? Comment être certains de ne pas emprisonner un malade dans une formulation ancienne de sa volonté ?

Tenter de répondre à une question si intime et personnelle exige d'adopter une attitude profondément humble. Face à l'extraordinaire complexité de la fin de vie et de l'idée même de légiférer sur ce sujet, il est nécessaire de prendre des précautions.

Je souhaite ici affirmer l'opposition de notre groupe à la légalisation de l'euthanasie ou du suicide médicalement assisté qui revient à consentir à la société, fût-elle représentée par le médecin, un droit sur l'existence de chacun, qui outrepasse largement le respect – pourtant souhaité par tous – de la personne.

Une évolution de la loi peut être envisagée pour éviter les souffrances, les abandons, l'acharnement, mais une rupture abrupte des digues érigées par la loi Leonetti risquerait d'entraîner des dérives qui, selon nous, seraient insupportables. Nos collègues Claeys et Leonetti, conscients du risque, tentent de préserver cet équilibre en proposant deux mesures phares : des directives anticipées qui s'imposeraient au médecin ; l'affirmation claire d'un droit à la sédation en phase avancée ou terminale. Cette proposition de loi permettrait à ceux qui sont proches de la mort, s'ils le demandent, de s'endormir plutôt que d'être confrontés à une souffrance intolérable, ou à ce qu'ils peuvent parfois vivre comme une déchéance. C'est une nuance infime et pourtant essentielle qui nous sépare de l'équilibre trouvé en 2005.

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