Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Réunion du 17 février 2015 à 17h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

Lors de la consultation citoyenne esquissée par la présidence de l'Assemblée nationale, il n'eût pas été anormal que les trois propositions de loi existantes – celle des rapporteurs, celle de Mme Massonneau et celle du groupe RRDP – fussent soumises aux citoyens sans que l'on privilégiât l'une d'elles. À ma connaissance, il s'agit bien d'une proposition de loi et non d'un projet de loi, même si le Gouvernement y semble d'autant moins hostile qu'il a peut-être contribué à l'inspirer ou à la valider. J'emploie des termes mesurés, à dessein.

Après 1 000 jours de consultations auprès d'instances ou de personnalités dont on savait à l'avance qu'elles étaient hostiles à l'aide active à mourir, nous voici donc saisis d'une proposition de loi. J'insisterai, moi aussi, sur les soins palliatifs puisque les radicaux de gauche sont à l'origine de la loi de 1999 sur le sujet. Reste à mettre tous les moyens financiers en face de cette avancée considérable.

Vous qui êtes médecin, Monsieur Leonetti, vous savez mieux que moi que, dans certains cas, les soins palliatifs ne soulagent plus le patient. Que faire ? Vous proposez la sédation profonde et continue. Sommes-nous sûrs que celle-ci ne s'accompagne pas d'une agonie lente, longue, et de souffrances provoquées par la faim, la soif, d'éventuelles phlébites, escarres ou infections ? Si tel est le cas, ce dispositif ne répond pas à l'objectif recherché : partir sans souffrir. Il ne faudrait pas que le patient souffre encore plus que s'il était décédé d'une mort naturelle.

Je mesure bien la différence qui existe entre la sédation dite profonde et continue et l'aide active à mourir, mais elle est extrêmement théorique. C'est une sédation profonde et continue jusqu'au décès, comme vous le dites. Dans Libération, M. Claeys parle d'une « aide à mourir » qui prend la place du « laisser mourir ». En réalité, l'objectif est le même, mais l'on peut penser qu'une aide active à mourir, dans des conditions qui ne soient pas celles que vous décrivez, sera moins douloureuse pour le patient qu'une sédation dite profonde et continue. Je pense que la sédation profonde et continue est plus confortable pour le médecin que pour le patient. Le médecin ne pourra être accusé d'avoir procédé à ce que le code pénal qualifie de meurtre, de meurtre aggravé ou d'empoisonnement ; il pourra dire qu'il s'est borné à soulager la souffrance sans apporter une aide active à mourir. En réalité, l'issue est la même et la dualité est largement fausse.

Cette proposition de loi aurait encore un plus grand mérite si elle était amendée de manière à donner le choix au patient entre votre solution et une autre qui serait l'aide active à mourir. Au fond, cela concerne le patient. J'entends parler de texte de consensus, de rassemblement. Nous ne sommes pas sur un point où la priorité des priorités serait de rechercher des équilibrages politiques ; nous sommes sur un point où il est indispensable d'agir pour le patient, pour qu'il ait une mort sans souffrance. Cela mérite une réflexion approfondie. Nul ne sait quelle est la bonne solution, car celle-ci dépend très largement de convictions personnelles.

Objectivement, en ce qui concerne les soins médicaux, je m'alarme d'un fait : l'article 3 de votre proposition de loi – qui est fondée sur l'arrêt des traitements – considère l'hydratation et la nutrition artificielle comme des traitements. Faute de définition légale ou réglementaire, on ne savait pas très bien jusqu'à présent si l'hydratation et la nutrition artificielle étaient ou non des traitements. Les qualifiant de traitements, vous rendez obligatoire leur arrêt. Je ne suis pas sûr que cela soit un progrès pour la qualité de la mort du patient, je pressens même plutôt le contraire. Comme notre but n'est pas de rendre le décès plus douloureux qu'il ne l'est actuellement, au contraire, je me pose des questions sur votre texte qui ne correspond pas à ce que souhaite notre groupe. Peut-être sommes-nous dans l'erreur ? En tout cas, je me suis permis d'exposer avec sincérité ce que je ressens à la lecture de ce document intéressant.

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