Intervention de Gilles Lurton

Réunion du 17 février 2015 à 17h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Tous, ici, nous sommes sensibilisés à cette question de la fin de vie. Tous ici, nous pouvons nous accorder pour offrir à chaque être humain une fin de vie apaisée et digne, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur Alain Claeys.

Tous les personnels médicaux et les équipes de soins palliatifs que j'ai pu rencontrer s'accordent à dire que la loi Leonetti du 22 avril 2005 relative aux droits des malades en fin de vie a permis d'évoluer, et à ce titre, je tiens à rendre un hommage appuyé à cette loi dans laquelle « tout est dit ».

Cette loi a parfaitement concilié l'absolue nécessité de soulager la souffrance et la dignité de la personne humaine. Or le texte qui nous est proposé aujourd'hui va beaucoup plus loin et appelle de ma part de nombreuses interrogations qui restent sans réponse actuellement.

Ma première interrogation porte sur l'article 2 et sur la rédaction de la phrase : « Lorsque les traitements n'ont d'autres effets que le maintien artificiel de la vie, […] ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris. » Le texte de la loi de 2005 se contente d'indiquer que ces traitements « peuvent » être suspendus ou ne pas être entrepris, ce qui donne au médecin une certaine latitude d'user de sa connaissance médicale, et une certaine marge de manoeuvre. Certes, l'actuelle proposition de loi précise que les traitements seront suspendus ou ne seront pas entrepris « sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient et selon la procédure collégiale ». Mais en l'absence de volonté du patient, comment réagira-t-on ?

Enfin la dernière phrase de l'article 2 introduit une disposition radicale selon laquelle « la nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement ». L'interprétation de ces termes peut, de mon point de vue, être lourde de conséquences, notamment pour des personnes qui ne sont pas en fin de vie et qui pourront ainsi décider d'arrêter d'être nourries etou hydratées.

L'article 3 fait également naître chez moi un certain nombre de questions. Que veut dire « traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance » ? Est-ce un endormissement comme je crois l'avoir compris dans les propos de notre corapporteur Jean Leonetti ? Est-ce un traitement ayant pour objectif de donner la mort ? L'ambiguïté de cet article fait envisager une possibilité d'euthanasie et ne laisse là non plus aucun espace d'interprétation pour le soignant.

J'avoue être très interrogatif sur ce que pourra engendrer cette proposition de loi qui repose principalement sur le motif que la loi de 2005 n'est pas appliquée. Si elle n'est pas appliquée, il faut la faire appliquer et ériger les soins palliatifs, auxquels tout être humain doit avoir droit, en principe fondamental.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion