Intervention de Jean Leonetti

Réunion du 17 février 2015 à 17h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, corapporteur :

Merci à tous les intervenants qui ont posé de bonnes questions. Les mots, dans ce texte, sont lourds, et ne pas admettre les réalités qu'ils recouvrent serait source de confusion. Nous devons avancer dans la clarté et bien exprimer ce que nous voulons avec ce texte.

Je remercie bien sûr Mme Delaunay et Mme Le Callennec qui ont exprimé le soutien de leur groupe à cette proposition de loi qui vise effectivement à rassembler.

Je voudrais rappeler à M. Touraine et à M. Sebaoun que c'est M. Sicard qui avait proposé l'exception d'euthanasie. J'ajoute que M. Sicard considère que depuis la loi de 2005, cette exception d'euthanasie n'a plus d'intérêt. On peut bien sûr en discuter, mais vous devez savoir qu'elle pose d'énormes problèmes dans une démocratie : qui la décide ? Ou c'est un droit ouvert, ou c'est un droit restreint. Mais restreindre un droit qui a vocation à être universel, c'est juridiquement très compliqué.

Monsieur Richard, ce texte n'ouvre pas la voie à l'euthanasie et au suicide assisté. C'est une évidence. Si tel avait été le cas, je n'aurais pas accepté la mission que m'a confiée le Premier ministre et je ne serais pas corapporteur. Il n'y a aucune ambiguïté sur ce point.

Monsieur Schwartzenberg, le Comité consultatif national d'éthique est hostile à l'aide active à mourir. On ne peut pas l'accuser d'être partisan d'autant que sa composition a été remaniée récemment. Je n'imagine pas que le Président de la République ait pu nommer des nouveaux membres sur la foi de leurs opinions en la matière.

Je tiens à vous dire amicalement que vous ne pouvez pas affirmer des choses fausses. Premièrement, en cas d'anesthésie générale, le patient n'a ni faim, ni soif. On peut dire qu'on meurt de déshydratation, même si cela ne correspond pas à la réalité. En revanche, dire qu'on meurt de souffrance, de faim et de soif sous une sédation profonde est un mensonge. Je l'entends de la part de l'Alliance Vita et de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité mais je m'étonne qu'un esprit aussi éclairé que le vôtre puisse le reprendre à son compte.

Deuxièmement, on peut débattre longtemps sur le point de savoir si l'hydratation et la nutrition sont un traitement. Selon moi, c'est le cas. Le Conseil d'État en a également jugé ainsi. Lorsqu'on met un tube dans l'estomac du patient, on lui demande son avis précisément parce qu'il s'agit d'un traitement.

Si la mort est un scandale, comme le pensait Vladimir Jankelevitch, ce texte a vocation à garantir l'absence totale de souffrance.

Pour abréger une vie au moyen d'une sédation profonde, il faut administrer au patient des doses d'Hypnovel dont la disproportion est évidente. La proposition de loi ne cherche pas à masquer l'euthanasie derrière la sédation profonde. Cette technique n'a pas d'autre but que d'empêcher toute douleur physique ou psychique.

Je suis d'accord avec Mme Hurel sur la nécessité de développer les procédures au domicile.

Madame Besse, les soins palliatifs ne sont pas oubliés. Le texte renvoie aux dispositions, déjà nombreuses, qui s'y rapportent. Nous ne sommes toutefois pas opposés à ce que le texte rappelle la nécessité de leur mise en oeuvre, comme l'a soulignée la Cour des comptes dans son dernier rapport.

Beaucoup de bonnes questions ont été posées. Comme Mme la présidente, je considère qu'il n'y a pas ceux qui sont en avance et ceux qui sont en retard. Il n'y a pas d'un côté, les bons – Belges et Canadiens – et de l'autre, les mauvais – Français, Espagnols, Anglais ou Allemands. Chacun appréhende ces sujets avec sa culture. Les différences en la matière ne correspondent d'ailleurs pas à la traditionnelle séparation entre Nord et Sud. Les soins palliatifs sont nés en Angleterre ; l'euthanasie y est peu débattue car de très nombreux bénévoles accompagnent les personnes en fin de vie.

Ne cédons pas à la caricature ! Ces sujets méritent un débat dans lequel les mots sont posés sur des réalités. « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde », disait Albert Camus.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion