Intervention de Denis Baranger

Réunion du 5 février 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Denis Baranger :

Votre propos liminaire – très philosophique – questionnait le sens des notions et des idées que nous manipulons ; ces interrogations philosophiques rejoignent pourtant aujourd'hui les enjeux concrets.

En matière d'environnement et de rapport entre la politique et la nature, nous sommes aujourd'hui en situation de désarroi. Ni l'Assemblée nationale, ni le pouvoir exécutif, ni l'administration, ni l'entreprise – qui s'est rapidement saisie de la terminologie de l'environnement – ne savent comment aborder intellectuellement les problèmes concrets auxquels nous faisons face. En effet, nous ne pouvons plus opposer nature et culture, loi et nature – nomos et physis des anciens Grecs ; l'environnement n'étant plus ce qui nous environne, on n'a plus affaire à une société politique autonome faisant face à des choses extérieures. Dans De l'esprit des lois, Montesquieu parle du « physique » des choses : climat, sol, population – phénomènes extérieurs et hétéronomes qui gouvernent les hommes sans qu'ils aient prise sur eux. Aujourd'hui, nous avons changé le climat, mais cette relation d'interaction ne nous donne pas pour autant la capacité de le maîtriser davantage. Ce constat est terrible ; comment vivre notre autonomie politique en relation avec la nature ? Comment se ressaisir politiquement de l'environnement – à défaut d'un meilleur terme ?

Face aux catastrophes environnementales, qui nous accompagnent désormais au quotidien, nos outils politiques et juridiques semblent inadaptés. Ainsi, le regretté Guy Carcassonne était très sceptique vis-à-vis de la Charte de l'environnement qui avait créé des droits intellectuellement insaisissables et difficilement justifiables, tel « le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » proclamé à l'article 1er, bien différent de la liberté d'expression figurant dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. En même temps, le fait que la Charte crée des devoirs avait choqué notre culture politique ; en effet, le rejet de l'amendement de l'abbé Grégoire a empêché de les inclure dans la Déclaration de 1789, par souci d'instituer une autonomie politique pure. L'existence de phénomènes qui résistent à notre prise politique contrarie cette tradition républicaine française, alors que pour « muets » qu'ils soient, ils sont puissants et peuvent nous abattre. Cette situation plonge le politique et le juriste – qui exprime toute une culture politique sans pouvoir agir sur elle – dans le désarroi. Ma question est donc d'ordre philosophique : comment redevenir autonomes et faire à nouveau de la politique face à la nature et à l'environnement ?

1 commentaire :

Le 14/12/2016 à 10:20, Laïc1 a dit :

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"Ce constat est terrible ; comment vivre notre autonomie politique en relation avec la nature ? Comment se ressaisir politiquement de l'environnement – à défaut d'un meilleur terme ?"

Si on ne s'occupe pas de l'environnement, c'est l'environnement qui s'occupera de nous, et là on risquera la maltraitance...

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