Intervention de Christian Paul

Séance en hémicycle du 28 novembre 2012 à 21h30
Réseaux de soins des mutuelles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Paul :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux, dans une tonalité un peu plus optimiste, dire que ce texte doit régler à court terme des problèmes urgents, complexes et sensibles. Il va permettre d'ouvrir, sans le conclure aujourd'hui, un nouveau débat de fond sur les conditions de l'accès aux soins et sur les protections collectives.

Je salue bien entendu le travail de notre rapporteure, Fanélie Carrey-Conte, qui a pris à bras-le-corps, avec conviction et ténacité, un sujet comportant de nombreux enjeux, en recherchant sérieusement et sincèrement l'intérêt général, et en réconciliant des intérêts en apparence contradictoires. Dans notre démocratie, au sein du Parlement, nous devons pouvoir travailler sans pression et sans tabous, sans écarter les oppositions, sans nier les inquiétudes, mais sans laisser s'installer les peurs ou les idées reçues. Nous en faisons la preuve ici même avec cette proposition de loi, qui est donc une initiative parlementaire.

À court terme, c'est un texte qui donne une base juridique à des réseaux bien réels, qui existaient déjà. Il fallait les sécuriser juridiquement, il fallait surtout réaliser l'égalité entre les mutuelles et les autres organismes complémentaires d'assurance maladie, assurances ou institutions de prévoyance qui, eux, bénéficiaient de cette possibilité d'agir, sans contestation. Il fallait, selon les mots employés par le Président de la République, « corriger cette anomalie ».

Les mutuelles ne doivent pas être injustement bridées, elles ont la légitimité pour agir dans ce domaine. Dans notre République, elles sont les héritières d'une longue histoire, celle de la solidarité organisée par les adhérents eux-mêmes et sans recherche de profit. Quel est le but des réseaux ? Quel est leur impact réel ? Les réseaux conventionnés reposent sur des partenariats entre des organismes complémentaires et des professionnels de santé, qui s'engagent sur des tarifs, sur des normes de qualité et de service, voire sur la mise en place du tiers payant.

Le dispositif de conventionnement des réseaux a un objectif attendu pour les patients, qu'il faut revendiquer : la modération des prix. Il a des résultats désormais reconnus dans des domaines qui sont principalement l'optique, les soins dentaires et l'audioprothèse, des domaines où les remboursements par l'assurance maladie sont faibles, où les marges sont élevées et où, au total, les inégalités sont flagrantes.

Ces avantages sont tangibles et appréciés par les Français. Comment le regretter ? Et pourquoi ne pas le reconnaître ? Le rapport de l'IGAS et de l'IGF de 2012 sur la maîtrise de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie – je mentionne ce document à l'intention de nos collègues, qui aiment citer les rapports de l'IGAS (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) –, un rapport très intéressant, recommande lui-même le développement des réseaux, en raison de leurs effets positifs sur les tarifs et le reste à charge des patients. La loi Fourcade elle-même, que vous aviez votée, comprenait la mesure qui nous est proposée. Y a-t-il également des avantages pour les professionnels ? Oui, en rendant plus solvables les demandes de patients plus nombreux.

Si nous souhaitons sécuriser l'existence des réseaux conventionnés avec les mutuelles, nous entendons le faire sans naïveté. Cette proposition de loi représente pour le Parlement une opportunité et une nécessité : améliorer le droit existant en fixant quelques principes qui clarifient et, si nécessaire, rassurent quant au fonctionnement de ces réseaux, quels que soient leurs statuts, mutualistes ou non.

Le premier de ces principes est celui du libre choix des patients : il doit évidemment être défendu. Les patients, incités à choisir un professionnel, ne doivent évidemment pas être punis s'ils agissent autrement. Le second principe est relatif aux critères de sélection des professionnels, qui doivent être incontestables – nous y reviendrons lors du débat sur les amendements.

Je respecte les interrogations qui se font parfois entendre, notamment celles exprimées par Mme Fraysse il y a quelques instants, sur les différenciations dont bénéficient les patients, et qui naissent de l'existence même des réseaux. Certaines sont dans la nature des réseaux : ainsi, la baisse de prix d'un dispositif médical augmente mécaniquement le taux de prise en charge. D'autres, en revanche, seraient contestables. Par exemple, j'admettrais mal que le réseau ait un effet d'accélération dans l'accès à un médecin. Si nous dénonçons cet effet « coupe-file » dans le secteur libéral de l'hôpital public, ce n'est pas pour l'accepter dans les réseaux créés par les mutuelles.

L'examen de cette proposition de loi est donc l'occasion de commencer à fixer les règles du jeu entre les réseaux et les organismes complémentaires. La question du périmètre des réseaux est également essentielle. Dans l'attente d'une négociation globale sur les complémentaires santé, il nous est apparu raisonnable de ne pas englober les tarifs médicaux, au moment où s'engage la première étape de l'encadrement des dépassements d'honoraires, à l'initiative du Gouvernement et de l'assurance maladie.

Cependant, nous affirmons aussi qu'un chantier doit être ouvert au sujet de l'avenir des complémentaires et de leur régulation. Le Président de la République en a donné le signal en souhaitant, devant le congrès de la Mutualité française, des contrats responsables et solidaires, attractifs et transparents. Chacun ici mesure bien le risque et la dérive que représente la hiérarchie excessive des contrats de complémentaires santé. L'inégalité fondamentale est là, dans le niveau des cotisations et les différences de protection, dans la gestion des risques – vous l'avez dit, madame la ministre – et, dès l'amont, dans l'accès aux complémentaires. Plus globalement, l'avenir de la protection sociale doit être évoqué à cette occasion, bien que le texte n'ait pas vocation à constituer davantage que l'une des briques d'une construction d'ensemble.

Des obstacles financiers innombrables s'opposent au droit à la santé et à l'accès aux soins, c'est pourquoi la réduction du reste à charge pour les Français et le niveau réel des remboursements doivent être pour le Gouvernement, pour l'assurance maladie et pour le législateur, le fil conducteur des années qui viennent. Chacun l'a compris, il faut le faire en améliorant les remboursements et en faisant pression sur les prix. L'un n'est pas l'ennemi de l'autre, et je récuse l'idée que les complémentaires doivent avancer inexorablement parce que l'assurance maladie serait, elle, condamnée à reculer.

Il est vrai que la protection des Français s'est rétrécie au cours des dernières années, celles durant lesquelles nos collègues de droite étaient au gouvernement. Ce n'est pas une raison pour s'habituer et se résigner à cette situation. Nos choix ne sont ni la substitution massive des complémentaires santé à l'assurance maladie, encore moins sa privatisation, mais la consolidation des deux piliers de la protection des Français face au risque maladie. Nos choix sont clairs. Je le redis au nom du groupe socialiste : nous avons une double responsabilité. Premièrement, nous devons consolider l'assurance maladie, son champ d'action et son financement – c'est l'un des principaux enjeux du dialogue social relancé par le Gouvernement depuis six mois. Deuxièmement, nous devons fortifier l'intervention des complémentaires, tout en régulant mieux leurs contrats et en leur permettant de concourir à l'efficacité du système de protection. Je le répète, après le débat que nous avons eu sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, une reconquête sélective par l'assurance maladie du champ de la protection collective est à la fois possible et nécessaire.

Avec le PLFSS, nous avons dit stop aux déremboursements. Il va falloir, par la suite, faire porter les efforts là où c'est nécessaire et juste. Je salue à ce titre l'effort qui sera accompli en 2013 pour la gratuité des IVG et de la contraception des mineures. Ainsi s'engage la reconquête par l'assurance maladie de son périmètre nécessaire, et pour des taux de remboursement décents. L'effort est aussi à obtenir dans le domaine des mutuelles et des assurances complémentaires : elles doivent être plus accessibles, mieux régulées, sans pour autant devenir des assurances de base.

Nous allons donc, bien sûr, voter ce texte. Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas entendu les critiques et les craintes, d'ailleurs contradictoires et qui parfois s'opposent les unes aux autres sans que je les renvoie pour autant dos-à-dos.

Il y a d'abord les critiques des libéraux sans entraves, qui n'acceptent aucune régulation des prix et des tarifs. Nous connaissons ces critiques ; nous connaissons bien ces amoureux de la dérégulation du système de santé, du système financier et de la société tout entière.

Il y a ensuite les craintes, qui ont été exprimées ce soir, de ceux qui s'inquiètent d'une excessive différence dans la protection des Français contre la maladie. J'entends ces craintes et je les comprends.

À nous de faire en sorte que la protection complémentaire et les réseaux de soins soient réellement mis au service de l'égalité d'accès aux soins. C'est notre mission collective. En votant cette proposition de loi, nous accomplissons une étape nécessaire vers une solidarité efficace et moderne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

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