Intervention de Michèle Delaunay

Séance en hémicycle du 10 mars 2015 à 15h00
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Delaunay :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous vivons aujourd’hui un moment important dans une période importante : un moment important où nous allons toucher « d’une main tremblante » à la loi dans un domaine qui est fondamentalement humain, l’homme étant le seul animal conscient de sa propre mort. C’est un domaine que les législateurs que nous sommes abordent obligatoirement avec tout le poids de leur expérience humaine, personnelle, familiale, amicale, quelquefois aussi avec leur expérience professionnelle et son « cortège d’ombres noires », mais dans tous les cas avec la singularité de leur vie spirituelle, ce qu’est toute interrogation sur la mort.

C’est un moment important parce que notre volonté est d’avancer. Dix ans après la loi Leonetti de 2005, alors votée à l’unanimité, puis au cours de ces dix années jalonnées par des centaines de débats, de colloques et d’avis, de nombreux ouvrages et publications littéraires ou scientifiques, nous voulons donner le droit à mourir dans l’égalité – ou du moins dans plus d’égalité.

« Égaux devant la mort », dit-on souvent : rien n’est plus faux. Les humains sont égaux devant l’obligation de mourir, mais pas devant les conditions.

Cette inégalité est multiple. Elle est territoriale, selon la qualité et la possibilité d’accès aux services et structures de soins ou d’accompagnement. Elle est aussi individuelle, en fonction des équipes et des soignants présents au moment de la fin de vie et, naturellement, selon la présence d’un entourage familial ou amical. Elle est enfin – je dirai presque surtout – fonction de l’âge : les grands âgés, qui sont les plus nombreux à être concernés puisque l’âge moyen de la mort est en France de quatre-vingts ans, sont loin d’être les mieux accompagnés, qu’ils soient à leur domicile ou en établissement. Ces inégalités, nous devons les réduire. Oui, il y a un droit à mourir dans plus d’égalité.

C’est un moment important dans une période importante : celle de la transition démographique, ce basculement de l’équilibre entre les générations qui affecte tous les champs de la vie en société, en particulier la place de la mort et de son approche. Ce mouvement s’accélère aujourd’hui avec l’arrivée dans le champ de l’âge des générations nombreuses du baby-boom. Ce sont principalement ces générations, élevées dans une culture d’émancipation, qui, accompagnant ou ayant accompagné massivement leurs parents dans le grand âge, nous imposent aujourd’hui d’avancer. Elles s’interrogent et nous leur devons des réponses.

Pour avancer, nous avons fait le choix de porter au plus haut la possibilité d’un consensus politique. Au plus haut, dis-je : il s’agit non pas du plus petit dénominateur commun ou d’un compromis, mais d’un dépassement respectueux de tous, d’une manière de se retrouver et non pas de se combattre sur un sujet qui mérite mieux que cela.

Ce fut aussi la réalité de la loi Leonetti de 2005. Croyez-vous qu’à cette époque déjà, d’aucuns ne pensaient pas que l’on allait trop loin, et d’autres pas assez ? Pourtant, le consensus fut souhaité, et il fut obtenu. Qui oserait aujourd’hui critiquer cette loi et vilipender ceux qui l’ont votée ? Le seul regret qui s’exprime tient au fait qu’elle soit insuffisamment connue et appliquée.

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