Intervention de Jean-Louis Touraine

Séance en hémicycle du 10 mars 2015 à 15h00
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, on meurt mal en France. Chacun désirerait une fin de vie paisible, à son domicile et entouré de ses proches, sans obstination déraisonnable dans la délivrance de soins prétendument curatifs.

Au lieu de cela, les Français décèdent à l’hôpital, parfois dans un service de réanimation bruyant et angoissant, sans que ne puissent être échangés en famille des propos affectueux et intimes. Les soins palliatifs ne sont accessibles qu’à un cinquième de ceux qui en ont besoin, et la volonté du malade sur les modalités souhaitables pour sa fin de vie n’est pas entendue.

Mourir heureux est certes une utopie. Pourtant, ce ne devrait pas être un oxymore. C’est d’ailleurs l’objectif de nombreuses philosophies laïques ou religieuses. Beaucoup se disent que la mort étant inéluctable, mieux vaut l’apprivoiser pour moins la redouter. Certains, sûrs de trouver un autre monde après la mort, se réjouissent presque de rejoindre un tel lieu de félicité, pour peu que les souffrances leur soient épargnées. D’autres, adeptes d’une philosophie plus laïque, constatent que leur vie a été bien remplie, que le néant ne les rebute pas et qu’ils ont à coeur de laisser à leurs proches une image d’honnête homme ou d’honnête femme. Eux aussi désirent échapper aux douleurs physiques et aux souffrances psychiques. Les uns veulent mourir debout, d’autres endormis – naturellement ou artificiellement.

Dès lors, que faut-il pour qu’une personne parvenue à la phase ultime d’une maladie incurable ait l’impression de « bien mourir » ? Deux choses sont essentielles : ne pas être privé de son droit à choisir la modalité de sa fin de vie ; être accompagné et aidé par son entourage familial et par une équipe soignante organisée autour de médecins compétents et susceptible de manifester par ses actions une authentique compassion.

L’aide à une personne en train de mourir, la possibilité de faire entendre et respecter le désir légitime qu’une agonie particulièrement pénible soit abrégée, voilà ce que demandent 96 % de nos concitoyens dans les enquêtes d’opinion itératives. Ce n’est pas seulement la carence en soins palliatifs dans notre pays qui alimente cette opinion, c’est une aspiration, noble et responsable, à une liberté – la liberté de choisir pour soi.

C’est d’ailleurs en prenant en compte cette sollicitation de progrès dans les droits humains qu’avait été rédigée la proposition de loi de 2009, dont le rapporteur était Manuel Valls, les signataires Jean-Marc Ayrault, Laurent Fabius, Alain Claeys, Marisol Touraine, moi-même et beaucoup d’autres. Elle avait été l’objet d’un vote positif de François Hollande, qui n’était évidemment pas encore Président de la République, et donc pas en mesure de faire adopter le texte.

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