Intervention de Dominique Nachury

Séance en hémicycle du 12 mars 2015 à 9h30
Garantir le droit d'accès à la restauration scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Nachury :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, cette proposition de loi, présentée par le groupe RRDP, affiche le souci d’un accès de tous les enfants aux cantines scolaires. Elle est présentée comme une clarification de la jurisprudence sur les refus d’inscription de certaines communes dans les cantines qu’elles gèrent.

Ces dernières années et très récemment, quelques exemples médiatiques ont mis en avant les difficultés rencontrées par certaines municipalités en manque de places, mais aussi les réponses en effet contestables apportées par d’autres.

Revenons quelques instants sur les débats en commission des affaires culturelles et de l’éducation. Nous avons pris pour point de départ les situations d’exclusion ou de refus d’inscription à caractère discriminant que, de toute façon, personne ne songe à défendre ou à excuser. Or, dans la très grande majorité des écoles, l’accès à la restauration est réglé de façon responsable et respectueuse des situations des enfants et des familles.

Un collègue de notre groupe expliquait en commission qu’il avait décidé, dans les cantines de sa municipalité où il manquait de places, de privilégier justement les enfants dont un ou les parents étaient au chômage, ainsi que les enfants de familles en situation de précarité.

Il aurait été utile de mesurer le problème auquel on envisage d’apporter des solutions en identifiant les abus et les possibilités d’y mettre fin.

Nous avons également entendu que la cantine scolaire était pour les enfants un idéal absolu en termes de qualité de l’alimentation, d’apprentissage du goût, de variété des aliments, d’hygiène, voire qu’elle était un élément essentiel de leur socialisation. N’exagérons rien et rendons justice aux familles !

Admettons que les familles, dans leur très grande majorité, sont tout à fait aptes à apporter à leurs enfants une alimentation équilibrée et adaptée : on ne sert pas que des repas de chips à la maison ! Ce n’est pas nier pour autant que pour certains enfants, le repas à l’école est le seul repas équilibré de la journée. Mais nous sommes là dans le champ de l’action sociale, champ que n’investit pas cette proposition de loi.

Disant cela, je vais être un peu provocatrice, mais si l’école devait assurer tout ce qui peut apparaître comme nécessaire ou bienveillant pour l’enfant, pourquoi ne garantirait-elle pas aussi la qualité du sommeil, dont on sait qu’elle est quelquefois mise à mal ? Mais je m’égare…

J’en viens à la proposition de loi déposée par nos collègues du groupe RRDP, visant à créer un nouveau droit, qui appelle de notre part plusieurs observations.

L’article 1er dispose que « L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon la situation ou de leur famille ». Cela pourrait se lire comme la possibilité de discrimination d’une autre nature que la situation de la famille. L’amendement proposé par notre collègue Barbara Pompili atténue cet effet, mais je ne suis pas sûre qu’il l’élimine.

Créer un droit à la restauration scolaire change la nature de ce service annexe à caractère facultatif, même si la restauration scolaire est aujourd’hui considérée comme une nécessaire adaptation aux évolutions de nos modes de vie. Il n’existe pas de service public de la restauration scolaire et nous savons pourquoi, comme nous savons pourquoi il n’existe pas de service public d’accueil du jeune enfant.

Créer un droit à la restauration scolaire suppose que le nombre de places à la cantine soit en rapport avec la demande, ce qui est souvent le cas mais, vous en conviendrez, pas partout. Il existe donc toujours dans le règlement de la restauration scolaire des critères d’accès. Mais tout critère de priorité, quel qu’il soit, ne pourrait-il pas être jugé discriminant ou injuste ? Et en l’absence de critères de priorité, la règle sera forcément, en cas de manque de places, l’ordre d’arrivée des enfants. Est-ce préférable ?

Si on suit votre logique, force est de constater que vous vous arrêtez au milieu du gué : vous affichez l’inscription à la cantine scolaire comme un nouveau droit, mais vous ne rendez pas obligatoire la création de ce service dans les écoles. Dans les établissements ne disposant pas de cantine, l’accès à la restauration scolaire sera donc un droit vain pour les enfants concernés !

En dépit de toutes vos bonnes intentions, ce texte pourrait avoir des conséquences néfastes. Quel choix fera l’élu qui se retrouvera devant un problème sans solution ?

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