Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 12 mars 2015 à 15h00
Connaissances linguistiques des candidats francophones à la naturalisation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Il ne faut pas être en permanence dans la paranoïa ! Il faut arrêter de dire aux gens qu’il est vexatoire et humiliant de leur demander de passer un test de français ! C’est normal et tous les pays en font autant.

La connaissance des demandeurs en français serait donc vérifiée simplement lors de l’entretien individuel en préfecture.

Madame la secrétaire d’État, j’ai dans cet hémicycle été cinq fois rapporteur sur des lois relatives à l’immigration. Je me permets donc de rappeler amicalement à mes collègues du groupe RRDP que si nous avons mis en place le test c’était pour éviter toute inégalité de traitement, certains fonctionnaires en préfecture étant beaucoup plus stricts que d’autres. Ce test n’avait aucun caractère vexatoire. Il visait simplement à assurer une égalité républicaine de traitement, quelle que soit la préfecture dans laquelle on y était soumis.

En outre, cet examen permet indirectement à l’État de financer une partie des Alliances françaises et il est source de revenus pour les instituts culturels qui le font passer. En effet, pour le passer lorsque vous résidez à l’étranger, il faut s’inscrire à des cours de français et nous sommes bien contents que les candidats financent notre réseau culturel. Mais je ferme cette parenthèse.

Plusieurs modifications ont été apportées à la proposition de loi en commission. D’une part, le dispositif inclut désormais les conjoints étrangers de Français souhaitant acquérir la nationalité française par déclaration, alors que dans sa version initiale le dispositif ne concernait que les postulants à la nationalité française par la voie de la naturalisation et de la réintégration.

D’autre part, la rédaction initiale se limitait aux étrangers ressortissants d’un pays dont le français était la ou l’une des langues officielles. La nouvelle rédaction n’exige plus de condition de nationalité.

Enfin, la dispense initialement proposée ne visait géographiquement que les États membres dont le français est la langue officielle ou l’une des langues officielles. La nouvelle rédaction inclut l’ensemble des pays francophones, ce qui est beaucoup plus large.

Avec le soutien du groupe SRC, la commission des lois a donc assoupli les modalités de contrôle de la langue française et prévu un dispositif dérogatoire pour deux catégories d’étrangers.

Dans son article 1er, la proposition de loi précise les modalités de contrôle de la connaissance de la langue française des conjoints étrangers de Français désireux d’acquérir la nationalité française.

En miroir, sont précisées à l’article 2 les modalités de contrôle de la connaissance de la langue française des étrangers postulant à la nationalité française par naturalisation ou réintégration.

Le dispositif dérogatoire concerne l’étranger ou le conjoint étranger qui remplit les deux conditions cumulatives suivantes : être ressortissant d’un territoire ou d’un État dont la langue officielle ou l’une des langues officielles est le français, et avoir le français pour langue maternelle, ou apporter la preuve d’une scolarisation d’une durée minimale de cinq ans dans un établissement enseignant le français. La preuve de cette scolarisation peut être apportée par la production d’un diplôme ou par celle de certificats de scolarité ou de relevés de notes.

Je ne veux pas être blessant, mais vous le savez très bien – le quai d’Orsay en a d’ailleurs fait plusieurs fois la remarque – il est assez facile, dans certains pays, il est assez facile de se procurer des relevés de notes, à condition de « faire un effort ». Je me souviens par exemple d’une note du quai d’Orsay relative à l’Union des Comores, où les « vrais faux » étaient tout à fait « négociables » – je n’ai pas besoin de vous expliquer ce que cela veut dire !

Le dispositif dérogatoire concerne aussi l’étranger ou le conjoint titulaire d’un diplôme délivré dans un pays francophone à l’issue d’études suivies en français. Cette seconde catégorie d’étrangers correspond à celle bénéficiant déjà de la dispense de production d’un diplôme ou une attestation justifiant d’un niveau de langue égal ou supérieur au niveau B1 du cadre européen commun de référence pour les langues défini par le Conseil de l’Europe. Ces deux catégories n’auront plus à produire un diplôme ou une attestation spécifiques justifiant d’un niveau de langue égal ou supérieur au niveau B1 précité. Leur maîtrise de la langue française sera vérifiée lors de l’entretien individuel avec un agent de préfecture ou un agent consulaire.

Quelles sont les failles de cette proposition de loi ?

De fait, un tel dispositif revient à créer une discrimination entre les candidats à la naturalisation.

Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’un pays reconnaît le français comme langue officielle que tous ses ressortissants parlent le français. Certains Belges, Flamands ou Suisses alémaniques ne parlent pas vraiment français. Pour ne vexer aucun pays, je ne donne pas toute la liste.

De plus, la notion de pays francophone est plus large que celle de pays dont le français est la ou l’une des langues officielles. Elle inclut, outre ces pays, les États membres de plein droit, actuellement au nombre de cinquante-trois en excluant la France de ce décompte, et membres associés de l’Organisation internationale de la francophonie, ainsi que les pays dont une fraction significative de la population parle le français, en particulier s’ils ont été placés autrefois sous administration française et ont conservé des liens culturels et historiques forts avec la France, par exemple l’Algérie.

Lorsque l’on veut se faire naturaliser et que l’on parle bien français, ce test n’est qu’une simple formalité. Ce n’est pas une procédure vexatoire. Je suis député des Français de l’étranger, je vois souvent des personnes qui se soumettent à ce test, parfois après un passage par l’Alliance française du pays. Personne ne m’a dit avoir été humilié. Ce test est d’autant moins difficile quand on parle bien le français.

Cette proposition de loi est également surprenante au regard des recommandations de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont j’ai l’honneur de présider la commission des migrations, des rapatriés et des apatrides. Celle-ci reconnaît en effet, dans un rapport d’une députée socialiste française, Mme Marietta Karamanli, adopté en juin dernier, que le niveau global d’intégration demeure insatisfaisant en Europe et que la situation des immigrés réguliers en matière d’intégration soulève des préoccupations justifiées dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe, notamment au niveau de la langue.

L’une des recommandations de ce rapport est justement de favoriser la maîtrise de la langue du pays d’accueil.

De toute évidence, la suppression de ce test n’améliorera pas l’intégration des immigrés demandant leur naturalisation. Bien au contraire, le supprimer représente un risque pour l’intégration de certains ressortissants d’un pays francophone car tous ne parlent pas français. Il risque de nouveau d’y avoir des décisions arbitraires après un entretien, l’employé de préfecture pouvant être plus ou moins bien disposé.

Ce serait même tromper les étrangers ressortissants d’un pays francophone que de leur accorder une naturalisation sans vérifier objectivement la maîtrise de la langue française.

L’examen de ce texte est aussi l’occasion de rappeler notre vision de la politique d’intégration.

Pour nous, l’acquisition de la nationalité française doit être l’aboutissement d’un processus d’intégration. Or, depuis votre arrivée au pouvoir, le Gouvernement entend faciliter ou simplifier les procédures de naturalisation et atténue l’importance que revêt celle-ci. Je fais référence à la circulaire d’octobre 2012 de Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, qui a conduit à l’abandon du questionnaire à choix multiples de culture générale mis en place par Nicolas Sarkozy, à l’abandon du critère d’obtention du CDI pour prouver son intégration, à la présomption d’assimilation des jeunes de moins de vingt-cinq ans. En 2014, la France a connu de ce fait une hausse de 10 % de l’acquisition de la nationalité française, après une hausse de 14 % en 2013.

Un nouvel assouplissement des conditions d’examen de la maîtrise de la langue affaiblira davantage l’intégration.

Je le répète, la naturalisation doit être la conclusion d’un parcours d’intégration, et la maîtrise de la langue française relève de l’évidence. Sinon, la personne est de facto exclue.

Bref, en dépit de la réécriture opérée en commission, cette proposition de loi représente un nouvel assouplissement des critères d’évaluation des candidats à la naturalisation. Or il est de notre devoir, surtout en cette période, de rester fermes sur les conditions d’acquisition de la nationalité française, parce que ce sont ces conditions qui garantissent une vraie intégration.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre cette proposition de loi.

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