Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 12 mars 2015 à 15h00
Connaissances linguistiques des candidats francophones à la naturalisation — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Cet amendement vise à imposer la communication systématique du compte rendu de l’entretien individuel en cas de refus de naturalisation pour défaut d’assimilation. Il s’agit d’une version modifiée d’un amendement rejeté en commission la semaine dernière ; la commission l’a accepté ce matin mais j’émets, à titre personnel, un avis défavorable.

Il convient tout d’abord de rappeler l’état du droit en la matière.

L’ensemble du dossier de nationalité est communicable à l’intéressé en application de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978. Sa communicabilité a été reconnue par la Commission d’accès aux documents administratifs – la CADA – dans une décision du 10 août 1996, et elle a ensuite été expressément consacrée par le législateur à l’article 26 de la loi du 16 mars 1998 relative à la nationalité. La CADA rend régulièrement des décisions à ce sujet. Je souligne que cette communicabilité ne se limite pas au seul compte rendu de l’entretien individuel, mais inclut aussi des documents tels que le rapport d’enquête. Les exceptions prévues par l’article 6 de la loi de 1978 pour l’ensemble des documents administratifs, relatives au secret de la défense nationale, à la sûreté de l’État et à la conduite de la politique extérieure de la France notamment, sont évidemment applicables. Dans cette hypothèse, c’est un dossier duquel les mentions couvertes par ces exceptions ont été occultées ou disjointes avant sa communication.

Faut-il aller plus loin comme le proposent les auteurs de cet amendement, prévoir une transmission automatique du compte rendu de l’entretien en cas de décision négative sans qu’il ne soit besoin de la demander ? Cela ne paraît ni utile ni souhaitable car l’état du droit est déjà satisfaisant en la matière : toute décision refusant la naturalisation doit être motivée, et si l’intéressé souhaite davantage de précisions sur les motifs qui ont conduit l’administration à rejeter sa demande, en particulier pour étayer son recours, il a le droit d’obtenir communication du compte rendu de l’entretien ainsi que de l’ensemble de son dossier de nationalité. L’amendement conduirait à un formalisme qui me paraît excessif car il alourdirait la procédure.

La substitution du terme « compte rendu » à celui de « procès-verbal », proposée par le sous-amendement, ne changerait rien à cet égard : un procès-verbal n’est généralement pas un verbatim et, à l’inverse, un compte rendu peut être intégral.

La rédaction de l’amendement soulève en outre plusieurs difficultés. La plus sérieuse est l’absence de mention des exceptions susmentionnées prévues par l’article 6 de la loi de 1978. Par conséquent, tel qu’il est rédigé, l’amendement obligerait l’administration à transmettre les comptes rendus d’entretien même si ceux-ci comportent des mentions relevant de ces exceptions, ce qui n’est évidemment pas souhaitable.

Les auteurs de l’amendement déplorent une motivation parfois stéréotypée et insuffisamment précise des décisions de rejet ou d’ajournement. Toutefois, cela relève non pas d’une quelconque insuffisance de la loi ou de l’état du droit mais des pratiques administratives, certes très variables d’une préfecture à l’autre. Une circulaire du ministre de l’intérieur, rappelant les obligations que la loi impose à l’administration en la matière serait mieux à même de résoudre ces difficultés qu’un changement législatif. Une réforme administrative des procédures d’instruction des demandes de naturalisation pourrait aussi contribuer à accroître le professionnalisme des agents et à homogénéiser les pratiques.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable à l’amendement et au sous-amendement.

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