Intervention de Michaël Foessel

Réunion du 13 mars 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Michaël Foessel :

Nos institutions ont cette spécificité de réunir en une seule personne autorité et pouvoir. Elles opèrent cette synthèse en s'appuyant sur le concept de légitimité, la légitimité que confère au Président de la République son élection au suffrage universel dépassant toutes les autres et relativisant de fait sa responsabilité par rapport aux autres élus : de quel poids pèse en effet la légitimité que tire un député d'avoir été élu dans sa circonscription face à la légitimité présidentielle ? Partant, est-il vraiment cohérent de vouloir dissocier la légitimité suprême conférée par le suffrage universel de l'exercice réel du pouvoir exécutif, en privant le Président de la République de ce pouvoir pour ne lui conserver qu'un rôle d'autorité ?

La seule solution, pour sortir de ce paradoxe antidémocratique qui concentre en une seule personne autorité et pouvoir consiste à distinguer deux légitimités, ce que préconisent les partisans du présidentialisme quand ils imaginent un système fondé, d'une part, sur la légitimité du Président de la République dans l'ordre gouvernemental et, d'autre part, sur la légitimité du Parlement dans l'ordre législatif. Cette organisation pose néanmoins la question de la légitimité du peuple, dans la mesure où l'expérience a montré que, dans un système présidentialiste, le débat politique tend à se structurer autour d'une succession de compromis permanents entre les deux instances considérées comme légitimes, la Présidence de la République et le Parlement.

Plaident également à mes yeux contre le présidentialisme ou le semi-présidentialisme qui caractérise actuellement notre régime les effets liés à la représentation que l'on se fait du pouvoir présidentiel. Selon Lacan, le fou n'est pas celui qui croit qu'il est le roi alors qu'il n'est pas le roi, mais tout autant celui qui croit qu'il est le roi alors qu'il est le roi. En d'autres termes, il y a, dans cette manière d'insister absolument sur la légitimité présidentielle, une manière de déni de tous les hasards et de toutes les chances – sinon celles de sa naissance du moins celles de son parcours – qui ont conduit un individu à devenir Président de la République. Cette adhésion quasi ontologique à la fonction, assise sur l'idée que si le roi est légitime, c'est uniquement parce que le peuple l'a fait roi, correspond d'autant moins à l'exercice du pouvoir dans nos sociétés contemporaines que le politique a perdu son pouvoir souverain sur l'économie et le social. L'incarnation du pouvoir dans la seule personne du Président de la République, en complet décalage avec ce qu'il est encore en mesure de réaliser, crée dans l'opinion publique des attentes, puis des déceptions et, dans l'intervalle, de consternants effets d'apathie, voire un refus du politique.

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