Intervention de Odile Saugues

Réunion du 18 mars 2015 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOdile Saugues, rapporteure de la mission :

Avant de vous présenter nos principales recommandations, permettez-moi de revenir en quelques mots sur la place de la France dans cette région du monde et sur la nécessité de continuer à y rester engagé.

A la différence d'autres acteurs qui étaient jusque-là très présents, notamment les Etats-Unis, mais qui traversent une phase de désengagement relatif du Proche et du Moyen-Orient, malgré un réinvestissement récent et limité en Irak, et à rebours d'autres pays, notamment européens, qui n'accordent manifestement pas à cette zone une priorité stratégique très affirmée, la France reste active à tous les niveaux. Elle le fait par un engagement politique constant dans la plupart des dossiers régionaux, par des efforts diplomatiques intenses sur le terrain et dans toutes les enceintes, en particulier à l'ONU, et par des coopérations souvent très denses avec de nombreux partenaires clefs dans la région.

Cet engagement contribue à donner à notre pays une voix et une place singulières, qui sont attendues de lui dans cette partie du monde. Il participe aussi à la défense de nos intérêts nationaux, à commencer par notre sécurité intérieure. Celle-ci est en effet remise en cause par le phénomène des djihadistes qui partent en Syrie et en Irak pour combattre dans les rangs des groupes les plus extrémistes, en particulier Daech. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, la France a aussi un statut particulier au plan international. Elle doit le mériter chaque jour en restant l'un des pays les plus actifs sur les principaux fronts.

Ce positionnement implique de lourdes responsabilités pour notre pays au Proche et au Moyen-Orient. Comme en Afrique, même si l'équation se pose en des termes différents, nos efforts politiques, diplomatiques et matériels pourraient être mieux partagés et relayés au sein de l'Union européenne, grâce à un engagement plus déterminé de nos principaux partenaires. Cette région reste malheureusement assez largement éclipsée par le voisinage oriental de l'Europe. Le Proche et le Moyen-Orient appartient pourtant à l'environnement immédiat de l'Europe et sa déstabilisation croissante, que Jean-Luc Reitzer vient de vous présenter, s'accompagne de menaces particulièrement graves pour tous.

Enfin, cet engagement implique de se positionner par rapport aux principales crises que mon collègue vient d'évoquer. J'en viens donc aux recommandations de notre mission d'information. Une tentation pourrait être de réduire autant que possible notre « empreinte » dans une région aussi troublée. Nous souhaitons au contraire que notre pays reste engagé au Proche et au Moyen-Orient, pour les raisons que je viens de vous présenter brièvement, et que la France continue à y faire entendre une voix singulière.

Je n'aurai pas le temps, en quelques minutes, de vous présenter l'ensemble de nos prises de position. Elles figurent, pour l'essentiel, dans une synthèse annexée au rapport. Je voudrais évoquer en particulier la crise en Syrie, les négociations sur le programme nucléaire iranien, et enfin la question israélo-palestinienne.

En ce qui concerne la Syrie, nous sommes partis d'un double constat. Tout d'abord, aucune solution militaire ne se dessine, du moins dans un avenir proche. Le régime syrien est certes parvenu à rétablir partiellement sa situation, alors que l'on évoquait sa chute comme imminente en 2012, mais il ne paraît pas en mesure de reconquérir l'ensemble du territoire. Quant à l'opposition syrienne dite « modérée », elle se trouve dans une situation de grande faiblesse, en particulier par rapport aux groupes armés les plus extrêmes, et elle ne semble pas davantage être en mesure de l'emporter. Dans le même temps, si tous les acteurs impliqués dans le conflit syrien, de près ou de loin, évoquent, officiellement, la nécessité d'une « solution politique », la « machine automatique de la guerre » se poursuit. Le Conseil de sécurité des Nations Unies reste divisé et les acteurs régionaux continuent à soutenir les différentes parties du conflit dans leurs efforts militaires.

Plus le temps passe, plus le bilan humain et matériel du conflit s'alourdit, dans des proportions effroyables, et plus on s'éloigne de la Syrie que nous continuons tous à appeler de nos voeux : une Syrie unie, plurielle au plan confessionnel et ethnique, respectueuse des droits de l'homme et des minorités. Seule une solution politique négociée paraît de nature à sauver le pays du chaos complet vers lequel il se dirige.

Dans ces conditions, tout doit être fait pour soutenir les propositions qui restent sur la table, malgré les interrogations qui peuvent exister à leur sujet et même si l'échec de tous les efforts qui ont été engagés au plan international ou régional, jusqu'à présent, ne conduisent pas nécessairement à faire preuve d'un grand optimisme. Il s'agit aujourd'hui du plan de « gel des hostilités » de M. de Mistura et de l'initiative russe de dialogue inter-syrien. Le plan de Staffan de Mistura vise en particulier à atténuer le niveau des violences, à enrayer la dégradation de la situation humanitaire et à essayer d'avancer vers une solution politique négociée, en procédant désormais « de bas en haut ».

S'il convient de favoriser une solution politique en Syrie, car il n'existe pas d'autre issue, cela implique de faire preuve d'une disponibilité réelle. Il nous semble que cela devrait conduire à accepter que le départ de Bachar el-Assad ne soit pas nécessairement un préalable, mais plutôt un aboutissement. Sans une telle inflexion, la transition risque de continuer à se heurter durablement à un mur insurmontable. Par ailleurs, une transition qui ne s'accompagnerait pas du maintien de certains éléments de l'Etat syrien, à définir, risquerait de plonger le pays dans un chaos encore plus grand et de déstabiliser encore davantage les pays voisins.

Cette disponibilité pour une solution politique pourrait s'accompagner d'une réflexion sur l'opportunité de rouvrir les ambassades européennes qui ont été fermées à Damas, si possible dans un cadre européen. Le rétablissement d'un tel canal présenterait non seulement un intérêt pour l'approfondissement de notre engagement en faveur d'une solution politique, mais cette mesure pourrait également se justifier par des raisons humanitaires et culturelles. Si ce choix était fait, il faudrait veiller à ce qu'il ne soit pas vécu comme une forme de reconnaissance du régime syrien. Du reste, la réouverture d'une ambassade ne suppose pas l'envoi d'un ambassadeur et elle n'exclut pas de continuer à condamner des exactions.

A défaut d'une transition politique négociée, nous nous sommes interrogés sur la possibilité d'une désescalade régionale du conflit syrien. Sa poursuite et son aggravation résultent en grande partie du jeu d'un certain nombre d'acteurs extérieurs – Iran, Russie, Turquie, Qatar ou encore Arabie saoudite –, qui n'ont pas cessé d'alimenter le feu par leur soutien aux belligérants. Tant qu'ils bénéficieront d'une telle aide matérielle extérieure, les belligérants continueront probablement à se battre.

Une désescalade régionale ne signifierait probablement pas l'arrêt du conflit, car ce sont les acteurs syriens qui détiennent les clefs de toute solution. On peut s'interroger sur leur sensibilité à d'éventuelles pressions extérieures. Une désescalade permettrait néanmoins de réduire le niveau des violences et de pousser les belligérants sur le chemin d'une solution négociée. Il va de soi que ce scénario est lui aussi difficile. Il nécessiterait probablement une sorte d'accord régional par lequel les principaux acteurs extérieurs s'entendraient pour préserver mutuellement leurs intérêts en Syrie, a minima, et pour geler ou neutraliser ce terrain d'affrontement.

Nous n'avons pas, de toute évidence, de prise directe sur la réalisation concrète d'un tel scénario. Nous pouvons néanmoins activer nos différents canaux avec ses acteurs potentiels, afin de les mobiliser et d'offrir nos bons offices. Nous pouvons aussi contribuer à réunir les conditions de possibilité d'une désescalade régionale par la conclusion d'un accord solide et crédible sur le programme nucléaire iranien.

Sur ce deuxième sujet, nous n'avons pas adopté de recommandations précises en ce qui concerne les différents paramètres techniques d'un accord, que nous présentons dans notre rapport d'information, pour autant que ces paramètres sont connus et qu'ils peuvent être exposés sur la place publique. Nous n'avons pas souhaité empiéter sur des négociations dont la conduite relève du pouvoir exécutif.

Nous appelons néanmoins l'attention sur l'intérêt particulier de mesures renforcées de transparence et de vérification, dans le cadre d'un accord qui ne devrait pas s'accompagner d'un démantèlement complet des capacités nucléaires déclarées de l'Iran. Les pays qui se sont trouvés en délicatesse avec le traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) ne l'ont pas fait à partir de leur programme déclaré, mais à partir d'un programme clandestin. C'est une telle éventualité d'un programme clandestin qu'il importe de pouvoir détecter le plus tôt possible. Nous soulignons aussi l'intérêt d'assortir l'accord d'une offre « positive », comprenant des propositions de coopération suffisamment attractives pour inciter l'Iran à respecter un accord sur son programme nucléaire. La dissuasion nous paraît devoir s'accompagner d'incitations.

Sur le fond, nous avons estimé que notre position devait continuer à rester ferme sur le dossier du nucléaire iranien, malgré les difficultés manifestes à rapprocher les positions, alors que l'échéance de la fin du mois de mars se rapproche. Il faut aller suffisamment loin pour écarter l'Iran du « seuil », sans quoi la question ne sera pas traitée durablement. Elle risquerait de ressurgir à nouveau. Il faudrait également parvenir à « vendre », si j'ose dire, un éventuel accord aux durs et aux sceptiques au Congrès américain, en Israël ou encore en Arabie saoudite. Afin qu'une détente régionale et des coopérations sur des sujets d'intérêt commun puissent être envisagées, notamment sur la crise syrienne, il faut aussi qu'un accord avec l'Iran permette d'apaiser les craintes dans un certain nombre de pays voisins. Il ne faudrait pas qu'ils perçoivent un accord avec l'Iran comme ayant, en réalité, pour effet de renforcer la main de ce pays dans la région, à leur détriment. Il faudra donc un « bon accord », c'est-à-dire un accord solide et crédible. Il pourrait utilement s'accompagner d'un certain nombre de garanties données aux pays voisins sur le fait que leurs intérêts stratégiques continueront à être pris en compte et le cas échéant défendus.

Nous estimons aussi qu'il est nécessaire de maintenir une séparation, à ce stade, entre le dossier nucléaire iranien et les autres sujets régionaux, tels que la crise en Syrie. La non-prolifération est un sujet suffisamment grave et complexe pour que l'on ne souhaite pas inclure d'autres considérations dans la négociation en cours. Elle ne doit pas s'apparenter à un « grand marchandage » régional, aux dépens de la lutte contre la prolifération. Bien que l'Iran détienne de nombreuses clefs au plan régional, il nous semble que la conclusion d'un accord solide sur son programme nucléaire est elle-même la clef pour faciliter des interactions plus constructives, dans un second temps et en conséquence.

Si un accord « solide » est nécessaire, nous ne devons pas chercher à faire perdre la face à l'Iran. Tout d'abord, les conditions de la négociation ne s'y prêtent pas. Les sanctions ont certes contribué à pousser les responsables iraniens à s'engager dans de véritables négociations, mais elles n'ont pas arrêté le programme nucléaire et le pays n'est pas à genoux. Nous avons pu le constater à l'occasion de notre déplacement à Téhéran et à Ispahan. Ensuite, il faut permettre aux responsables iraniens de « vendre », eux aussi, un éventuel accord. Sa perspective est loin de faire l'unanimité dans toutes les sphères de la République islamique d'Iran. Enfin, l'impact des négociations est trop important, que leur issue soit positive ou négative, pour que l'on puisse se permettre de faire preuve d'intransigeance, que ce soit du côté iranien ou du côté des « 5+1 ».

Si les négociations échouent, nous estimons en effet que la reconduction de l'accord intérimaire actuel, qui permet de suspendre les aspects les plus préoccupants du programme nucléaire iranien, ne paraît pas une hypothèse tenable à long terme. On risque d'en revenir à la spirale dangereuse qui prévalait antérieurement. Elle combinait de nouveaux développements du programme nucléaire de l'Iran et des pressions accrues au plan international, avec en toile de fond des menaces voilées ou explicites d'interventions militaires, dont les effets seraient dévastateurs au plan régional.

Enfin, il faut veiller à ne pas pénaliser la France. Notre pays aurait beaucoup à perdre si sa position n'était pas interprétée comme une ligne de fermeté raisonnable, comme ce fut le cas lors des négociations sur l'accord intérimaire de novembre 2013. Nous avons été critiqués, dans un premier temps, pour avoir exigé davantage de garanties, avant que notre position soit bien comprise. Elle ne doit pas être interprétée comme une fermeture de principe à l'égard de l'Iran. La fermeté, oui, si elle est raisonnable, mais pas la fermeture.

J'en viens au dernier foyer de tensions, et non des moindres : la question israélo-palestinienne. Tout a été dit et écrit sur ce conflit, y compris qu'il était devenu secondaire. Cet été, la troisième explosion de violence en cinq ans, la plus meurtrière, nous a douloureusement rappelé qu'il n'avait rien perdu de sa centralité stratégique.

L'année 2014 est le triste symbole de l'impasse d'un processus de paix qui n'en porte plus que le nom, et de l'escalade de la violence, dont les peuples, Israélien et Palestinien, continuent de payer le prix. L'échec de la reprises de pourparlers a été suivi d'une nouvelle intervention à Gaza. La Cisjordanie et Jérusalem-Est ont été le théâtre de violences inédites, au point que certains ont parlé d'Intifada rampante, mais aussi de heurts répétés, particulièrement préoccupants, sur l'Esplanade des Mosquées. Cette année aura aussi été marquée par l'impasse d'une nouvelle tentative de réconciliation palestinienne, par la poursuite de la colonisation, et par le lancement par l'Autorité palestinienne d'une stratégie onusienne dont les effets sont plus qu'incertains. Voilà qui achève de nous convaincre que le maintien d'un conflit de basse intensité, ponctué d'explosions épisodiques de violences, est devenu intenable. Surtout, l'idée qu'il y a une alternative à la solution à deux Etats, peut-être la plus dangereuse des illusions, tend à gagner l'opinion et à s'imposer sur le terrain. Pour reprendre l'expression de Jean-François Girault, c'est le cycle historique, ouvert par la signature des accords d'Oslo en 1993, qui se referme aujourd'hui. Il faut inventer autre chose.

D'abord, comme l'Ambassadeur d'Israël nous y a exhorté lors de son audition, il faut porter un regard neuf sur la question, au regard de la nouvelle équation stratégique de la région. Lors de son discours devant l'Assemblée générale des Nations-Unies en septembre dernier, Benyamin Netanyahou a insisté sur l'opportunité historique d'un partenariat possible contre la menace islamiste avec les Etats arabes, qui pourrait faciliter un accord de paix avec les Palestiniens. Il a déclaré que pour réussir la paix, il fallait regarder à Jérusalem et Ramallah, mais aussi au Caire, à Amman, Abou Dhabi, Riyad et ailleurs. Nous rejoignons ce constat. La paix sera régionale ou ne sera pas. Elle doit s'appuyer sur une Initiative arabe de paix réactivée, portée notamment par l'Egypte, la Jordanie et l'Arabie saoudite, et à laquelle les Israéliens doivent fournir une réponse.

Deuxième point, ne perdons pas de vue qu'il revient aux deux protagonistes de faire la paix. Nous ne croyons pas à une solution imposée, car on ne fait pas la paix par procuration. Pourtant, si les termes d'un accord font l'objet d'un consensus international, et si les peuples y aspirent, les protagonistes sont trop affaiblis pour faire la paix seuls, pour reprendre la formule d'Elie Barnavi.

Le conflit est devenu un piège dont les autorités israéliennes ne parviennent pas à sortir. Selon certains, la supériorité militaire se mue en infériorité stratégique, car l'image d'Israël se dégrade à chaque nouvelle crise et menace le pays d'isolement diplomatique et de difficultés avec ce partenaire indispensable que sont les Etats-Unis. Le nouveau Premier ministre israélien aurait-il l'intention de bâtir une paix régionale, il ne pourrait assumer seul la responsabilité d'une reprise des négociations.

Côté palestinien, 2015 s'annonce peu propice à une reprise des négociations : le privilège accordé à la voie politique depuis les accords d'Oslo est en échec et pousse une Autorité palestinienne affaiblie au plan interne à une diplomatie onusienne aux conséquences incertaines ; la transition politique de l'après-Abbas, qui semble désormais ouvertement débattue, devrait réveiller les luttes internes ; enfin, le processus de réconciliation amorcé en avril dernier est dans l'impasse et le Hamas semble tenté de pousser à la rupture, pour administrer une bande de Gaza devenue autonome.

Par conséquent, bien qu'Israéliens et Palestiniens soient ceux qui porteront le poids des négociations, la communauté internationale ne peut pas rester les bras croisés. Selon Miguel Ángel Moratinos, ancien envoyé spécial de l'Union européenne au Proche-Orient, « nous sommes nombreux à connaître les raisons de l'échec des négociations antérieures. Nous devons assumer notre part de responsabilité. » Ainsi Hubert Védrine a qualifié l'attitude américaine de velléitaire, nous ne sommes pas loin de partager son point de vue. Les Etats-Unis ne sont en tout cas plus en capacité de résoudre seuls la question. L'Europe a abandonné toute prétention à peser dans le règlement politique de la question. Quant aux Etats arabes, depuis 2011, les révolutions ne les ont pas incités à faire preuve de créativité diplomatique. Il faut accepter le constat, difficile, de l'incapacité du processus de paix tel que conduit actuellement à aboutir à une solution de paix durable. Il faut aussi avoir le courage de dire que cette impuissance décrédibilise l'ensemble de notre action au Proche et au Moyen-Orient. Face à ce constat d'échec, le rapport propose quelques lignes d'action.

Tout d'abord, il s'agit de convaincre nos partenaires Israéliens que l'existence de l'Etat palestinien est la meilleure garantie pour la sécurité d'Israël et de faire entendre à nos partenaires Palestiniens que la voie de la négociation est inévitable.

Deuxièmement, il nous faut remettre, de manière collective, le droit international et le Conseil de sécurité au coeur du règlement de la question, par une résolution qui fixerait un cadre et un calendrier aux négociations. Le Conseil est aujourd'hui plus favorable à une initiative et il serait difficile aux Américains d'opposer leur veto à une proposition consensuelle sans mettre en danger leur relation avec les pays arabes, avec lesquels ils sont engagés dans la lutte contre le terrorisme.

Troisièmement, il faut promouvoir un nouveau format des négociations : l'Union européenne et les Etats arabes doivent être associés plus étroitement au règlement du conflit. L'Europe est, par sa faute, perçue comme un simple bailleur de fonds. Elle doit, comme l'a affirmé la Haute représentante de l'Union, Federica Mogherini, utiliser tous les leviers politiques et économiques dont elle dispose pour inciter les parties à revenir aux négociations, faire valoir le bénéfice d'une paix négociée, et prendre des mesures concrètes dès que la solution des deux Etats est remise en cause sur le terrain. La France peut, avec ses partenaires européens, au premier rang desquels la Grande-Bretagne et l'Allemagne, faire entendre la voix singulière de l'Europe sur la question. Le rôle des Parlements nationaux, en lien avec le Parlement européen, peut s'avérer crucial.

Quatrièmement, il s'agit de soutenir et d'accompagner le processus de réconciliation inter-palestinienne. Le refus du Hamas d'abandonner la voie de la violence doit être condamné avec la plus grande fermeté, et sans ambiguïté. Mais l'Union européenne doit aussi soutenir, sans complaisance, ni naïveté, les efforts de Mahmoud Abbas en faveur d'un retour de l'Autorité palestinienne à Gaza et d'une réconciliation inter-palestinienne conforme aux principes agréés par la communauté internationale, seule à même de redonner une véritable légitimité aux institutions palestiniennes, et préalable nécessaire à un accord de paix crédible. Il doit pour cela en avoir les moyens, au plan sécuritaire - l'Union peut ici plaider en faveur de la réactivation de la mission Eubam - et au plan économique.

Enfin, il faut éviter un retour au statu quo antérieur au conflit à Gaza. La reconstruction de Gaza, dont le rythme doit s'accélérer, n'est pas seulement une urgence humanitaire et sécuritaire, c'est un problème politique qui doit trouver une réponse sous peine d'entraîner une recrudescence des violences. La France ne doit pas ménager ses efforts pour que le désarmement de la bande de Gaza s'accompagne d'un cessez-le-feu durable, conduisant à une amélioration fondamentale des conditions de vie de la population, qui passe par un desserrement du blocus de Gaza.

En cas d'échec des négociations, et comme Laurent Fabius l'a énoncé au cours de la discussion de la résolution parlementaire adoptée en novembre dernier, la France devra prendre ses responsabilités et reconnaître le droit du peuple palestinien à un État viable et souverain. Notre pays a été, et demeure, l'un des premiers et des plus fervents défenseurs de l'entrée d'Israël dans le concert des nations et n'a jamais ménagé ses efforts pour que soit universellement admis son droit à l'existence et à la sécurité. Conséquence logique de sa promotion d'une solution des deux Etats, la France devra aussi tenir les promesses faites au peuple palestinien.

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