Intervention de Jean-Louis Roumegas

Réunion du 17 mars 2015 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Roumegas :

Madame la ministre, au terme de deux années de travail et de concertation avec les associations d'usagers, de professionnels ou de victimes, les écologistes sont plus que jamais attentifs aux questions de santé, qui constituent un droit fondamental en particulier en période de crise.

En nous appuyant, en particulier, sur le troisième plan national santé environnement (PNSE 3), pour lequel, au sein du groupe de travail santé environnement présidé par notre collègue Gérard Bapt, nous nous sommes mobilisés pour rétablir le socle de discussions santé environnement au sein de la conférence environnementale. Dans ce cadre, nous avons apprécié que la France soit à l'avant-garde dans l'interdiction du bisphénol A dans les contenants alimentaires et dans la définition d'une stratégie nationale en matière de perturbateurs endocriniens. Nous devons persévérer dans cette voie, et c'est d'ailleurs l'engagement qui a été pris lors de la conférence environnementale. Nous attendons des réponses concrètes à nos propositions.

La notion d'« exposome », c'est-à-dire ce qui ne relève non pas du patrimoine génétique, mais de l'exposition à un environnement dégradé et à la prolifération de substances chimiques, porte un nouveau modèle sanitaire. Il s'agit d'imposer une véritable mutation des politiques de santé, à l'heure où les maladies chroniques explosent. Le coût de l'inaction représente des chiffres astronomiques : pour les perturbateurs endocriniens en Europe, par exemple, il a été chiffré à 150 milliards d'euros par an.

Les inégalités d'accès aux soins s'amplifient, et le renoncement aux soins est patent. Le non-recours aux soins s'établit autour de 6 milliards par an. Certains pourraient y voir une économie, mais c'est un phénomène inquiétant, surtout s'il se conjugue avec des comportements de refus de soins : il y a là un risque majeur de voir des pans entiers de la population renoncer à se soigner et une dette sanitaire incompressible se profiler.

Nous sommes donc confrontés à un défi de société. Il s'agit de garantir les soins malgré des budgets contraints et simultanément de faire face à une crise sanitaire majeure.

Comment préserver le socle de solidarité issu du consensus hérité du Conseil national de la Résistance ? « Chacun contribue en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins. » À cet égard, nous saluons un certain nombre d'avancées de la loi.

La première est la généralisation du tiers payant, en commençant par les plus démunis, avec une application progressive à l'horizon de janvier 2017. Nous soutenons cette option en souhaitant son accélération. Nous veillerons à ce que le panier de soins, déjà très contraint – surtout pour l'optique et les soins dentaires – ne soit pas dégradé. Nous contestons en outre l'hypothétique report sur les mutuelles complémentaires. Cela mérite des arbitrages forts.

Les agences sanitaires sont en voie de réorganisation, leur mission est clarifiée et la maîtrise des conflits d'intérêts avance. Mais il convient d'aller aller plus loin, en irriguant l'ensemble des dispositifs d'expertise, de veille sanitaire, d'alerte et de qualification des professionnels de santé au regard des enjeux de la santé environnementale. Une avancée claire et ferme sur ces sujets serait un message fort.

Assainir les rentes des industries pharmaceutiques, sortir du tout-médicament, bonifier les conditions de production des bases alimentaires en réduisant la part de la chimie et donc de la mal-bouffe, appliquer le principe pollueur-payeur aux industries du tabac, autant de voies à explorer pour nous donner des marges et restaurer la démocratie sanitaire. Nous avons déposé de nombreux amendements dans ce sens.

L'ambition de fédérer les professionnels de la santé de nos territoires, au plus près des populations et de manière décentralisée via de nouvelles missions confiées aux ARS, en favorisant la multidisciplinarité, va dans le bon sens.

Nous souscrivons au développement de l'ambulatoire. Ce virage doit s'appuyer en amont sur une meilleure maîtrise des risques et une politique de santé primaire affirmée, en même temps que sur la prise en compte des aidants et accompagnateurs polyvalents et multidisciplinaires et sur leur juste reconnaissance. L'innovation thérapeutique et technologique ne peut se substituer à la force et au soutien de la relation humaine.

Nous prenons acte de l'institution d'une action de groupe. Nous avons été entendus dans la poursuite de nos arguments lors de l'examen de la loi Hamon, mais limiter cette action de groupe aux dommages corporels liés aux produits de santé, comme le prévoit l'article 45 du projet de loi, nous semble restrictif. Nous vous proposerons de l'étendre.

En effet, nous souhaitons sortir d'une société ou les contentieux se multiplient. Nous devons tirer les leçons des crises sanitaires. L'amiante doit devenir une grande cause nationale, tout comme la lutte contre les pesticides, les particules fines du diesel, et l'ensemble des expositions nocives qui dégradent, par leurs effets délétères, nos comptes publics tout autant que la santé de la population.

La loi sur la biodiversité, en débat actuellement, nous rappelle l'équilibre fragile qui existe entre l'état de nos écosystèmes et la santé de ceux qui y vivent. De nombreux citoyens se tournent vers des médecines complémentaires et préventives : il faut entendre ces choix comme le droit et le devoir de chacun à se ressaisir de son capital santé par des voies douces privilégiant la prévention.

Nous approuvons le choix de sécuriser les comportements addictifs, avec l'expérimentation de salles de consommation. Il s'agit de prendre en charge, de façon sanitaire et sociale, ce qu'il faut bien considérer comme des pathologies. D'autre part, le cannabis thérapeutique ne doit plus être un sujet tabou dans la mesure où il peut soulager des douleurs chroniques et que de nombreux pays l'ont adopté avec succès.

Enfin, le libre choix thérapeutique dans le domaine de la vaccination doit mieux prendre en compte la voix des victimes des adjuvants à base d'aluminium, face au déni des industriels en particulier.

En conclusion, la loi de santé proposée doit marcher sur deux jambes : le curatif, mais aussi un socle de prévention primaire fort. Ce choix fondera les marges d'économies de demain et nous amènera vers une société de plus grand bien-être, sans exclusive. Nous sommes prêts, madame la ministre, à enrichir le débat de manière constructive et pragmatique. Nous attendons vos réponses.

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