Intervention de Jacqueline Fraysse

Réunion du 17 mars 2015 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Le groupe GDR partage l'ambition déclarée de ce projet de loi : moderniser notre système de santé pour en garder l'excellence et affronter les nouveaux enjeux. Pas d'immobilisme, pas de statu quo, avez-vous dit, madame la ministre ; nous partageons cette volonté. Mais force est de constater que le contenu de ce texte est loin de répondre aux objectifs affichés. Ce n'est pas vraiment une surprise dans la mesure où ce projet de loi s'inscrit dans un contexte de réduction du budget de la santé, de 10 milliards d'euros d'ici à deux ans, dont 3 milliards pour les hôpitaux. Ce qui, bien sûr, interdit une « grande loi de santé », audacieuse, c'est-à-dire à la mesure des enjeux de notre pays et de notre temps. C'est donc un texte qui aménage à la marge ce qui existe déjà, et cela est fort dommage.

Certaines mesures sont indiscutablement positives, comme le renforcement de la prévention, la généralisation du tiers payant ou encore la possibilité d'initier des actions de groupe. Mais au-delà du manque d'ambition, ce qui nous frappe et nous préoccupe, c'est l'accentuation de l'autoritarisme des agences régionales de santé, véritables instruments de réduction drastique des moyens.

Dans le domaine de la prévention, on peut s'étonner que le texte ne dise pas un mot sur la protection maternelle et infantile, surtout au moment où s'accentue la précarité de tant de familles et de femmes seules avec des enfants. Quant à la santé scolaire, si elle est abordée, rien n'est proposé pour la revaloriser, la renforcer et la moderniser, alors que chaque médecin a en charge plus de 10 000 élèves.

La démocratie sanitaire est le point qui nous préoccupe le plus. Certes, à l'article 1er, une consultation publique est prévue préalablement à l'adoption ou à la révision de la stratégie nationale de santé. Nous souhaiterions d'ailleurs savoir qui sera consulté et sous quelle forme. Mais ce qui frappe tout au long de ce texte, c'est le rôle considérable, sinon démesuré, qu'il attribue aux agences régionales de santé. Cela est tellement flagrant que, pour rassurer, vous avez décidé de remplacer « service territorial de santé au public » par « communautés professionnelles territoriales de santé ». Certes, la terminologie est meilleure. Mais cela change-t-il les choses sur le fond, sachant que, aux termes la loi HPST, à laquelle vous vous étiez opposée mais que désormais vous confortez, ce sont les ARS qui in fine disposent de tous les pouvoirs ?

Si le texte prévoit, à l'article 12, que le projet territorial de santé sera élaboré sur la base d'un diagnostic partagé, ce qui est très bien, je note cependant que – comme d'habitude – c'est l'ARS qui arrête le diagnostic et le projet de santé – certes, après avis, mais seulement avis, d'un conseil territorial dont on ignore la composition. Plus encore, le texte précise que diagnostic et projet pourront être, à tout moment, modifiés par le seul directeur de l'ARS. C'est donc bien l'ARS qui, comme d'habitude, décidera seule quelle activité sera pratiquée ou refusée et par quel établissement.

C'est la même chose à l'article 27, à propos duquel on peut s'interroger sur les critères qui régiront la création des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Intérêt des patients ou économies financières à tout prix ? Qui participera à ces choix ? Qui rédigera les conventions portant création des GHT : les directeurs d'établissement, les présidents de commission médicale d'établissement (CME) ? Quelle place auront les usagers et les représentants des collectivités territoriales ? Jusqu'où l'ARS sera-t-elle légitime pour imposer un GHT ? Qui autorisera les dérogations ? De quelle nature et de quels critères s'agira-t-il ? Autant de questions auxquelles le texte ne répond pas et qui, de toute évidence, seront tranchées autoritairement, on peut le craindre, par les ARS.

Par ailleurs, concernant l'article 42, madame la ministre, pouvez-vous clarifier ce que vous entendez par la décision, je cite, de « fluidifier le fonctionnement de l'établissement français du sang au regard des exigences de l'Union européenne » ?

À l'article 47, concernant la création d'un système national des données de santé (SNDS), s'il est utile que les données anonymes puissent servir à la recherche, nous nous interrogeons sur les modalités d'accès offertes au privé, notamment aux entreprises pharmaceutiques, au prétexte ou par le biais de recherches menées par les laboratoires.

Enfin, concernant le tiers payant, je note qu'aucune obligation n'est mentionnée dans le texte à l'égard des médecins. Pourront-ils refuser de l'appliquer ? Dans ce cas, on pourrait s'interroger sur le terme de « généralisation ».

En conclusion, nous défendrons des amendements avec la volonté d'améliorer le projet de loi sur toutes ces questions.

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