Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 17 mars 2015 à 21h00
Commission des affaires sociales

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

Une question d'ordre général, souvent posée par l'opposition, a porté, de façon faussement ingénue, sur la place de la Conférence nationale de la santé qui a été annoncée : pourquoi la réunir seulement une fois la loi votée ? Il y a deux ans a été lancée la stratégie nationale de santé, à laquelle il est fait référence dans l'article 1er du projet de loi ; elle porte sur l'ensemble des évolutions nécessaire à notre système de santé. Un certain nombre d'actions ont été engagées dans ce cadre : le pacte territorial de santé, la réorganisation du financement hospitalier, et maintenant les dispositions du présent projet qui visent à mettre un terme à l'aggravation constatée des inégalités devant la santé.

D'autres problématiques demeurent, qui n'ont cependant pas vocation à être traitées par ce texte. Elles concernent notamment la pratique de l'exercice médical dans quelques années, le mode de rémunération des professionnels, y compris hors hôpital, l'articulation de la formation avec les différentes formes d'activité. C'est pourquoi, à la demande des jeunes professionnels en particulier, la Conférence nationale de la santé sera organisée.

Mme Fraysse a souligné l'importance de la protection maternelle et infantile (PMI) et relevé l'absence de sa mention dans le texte. Nous avons souhaité combler cette lacune : trois amendements ont été déposés concernant la contribution de la PMI à la politique de santé, son lien avec le médecin traitant, la clarification de son rôle dans le parcours scolaire, particulièrement dans le primaire, et je donnerai un avis favorable à l'adoption de ces amendements.

Mme Geoffroy s'est interrogée sur le dispositif public d'information sur la santé. Nous envisageons la création d'un portail public d'information qui rassemble les renseignements existants, facilite l'orientation des citoyens, et ce dans un langage accessible à tous, car ce qui existe aujourd'hui est trop souvent rédigé dans une langue soit administrative, soit technique. Nos concitoyens attendent quelque chose qui épouse leur point de vue ; à cet égard, je vous renvoie au site de l'Institut national du cancer (INCa), qui est un exemple à suivre.

D'autres préoccupations ont été exprimées, par des acteurs d'horizons très divers, sur l'open data, visé à l'article 47 ; plusieurs amendements de réécriture, déposés par M. Gérard Bapt notamment, y répondent. Le comité d'experts sera nommé par le ministère dans des conditions qui garantiront son indépendance, et sera installé dans les locaux de l'Institut des données de santé (IDS) afin de faciliter son travail. La question a été posée aussi de savoir si les organes de presse, généralistes ou spécialisés, qui publient régulièrement des « palmarès » auront toujours les moyens de le faire. L'accès des journalistes, particulièrement ceux qui sont impliqués dans le domaine social, aux données hospitalières, sera maintenu, dans des conditions déterminées par le projet de loi. Le comité d'experts sera saisi de toute nouvelle demande d'accès et émettra un avis qui sera transmis à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Je précise en revanche, notamment à l'attention de Mme Fraysse qui s'en était inquiétée, qu'aucun laboratoire pharmaceutique, ni d'ailleurs quiconque, ne pourra consulter de renseignements nominatifs. Il s'agit de données confidentielles, déjà protégées par la loi au titre de la protection de la vie privée.

Plusieurs questions importantes ont été posées quant aux conditions dans lesquelles on peut donner son sang. Dès mon arrivée au ministère, j'ai clairement indiqué que l'orientation sexuelle ne saurait constituer un critère d'exclusion. Je rappelle que les conditions du don du sang, la qualité des donneurs, les questions qui leur sont posées, ne relèvent pas de la loi mais d'un simple arrêté. Le Conseil de l'Europe a formulé un certain nombre de recommandations, dont celle de collecter des données épidémiologiques relatives à l'incidence et à la prévalence des infections sexuellement transmissibles parmi les donneurs, notamment parmi les personnes ayant des comportements sexuels à risque, l'objectif étant de s'appuyer sur les informations recueillies pour définir des critères de sélection des donneurs de sang.

J'ai saisi le Comité consultatif national d'éthique quant à la pertinence, de son point de vue, de faire évoluer les formulaires, et à la pratique – dont je rappelle qu'il s'agit d'une pratique et non d'une règle de droit – de restrictions pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes au vu des données scientifiques disponibles et du débat existant au sein de la société. Dans ce contexte, où le risque sanitaire, la responsabilité individuelle et sociale des donneurs, les pratiques potentiellement discriminatoires sont en cause, le Comité doit me rendre son avis dans les prochains jours.

Par ailleurs, j'ai mis en place un groupe de travail composé d'experts de l'Institut de veille sanitaire (InVS), de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et de l'Établissement français du sang (EFS) pour étudier les risques liés à une éventuelle ouverture du don du sang aux hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes. La question porte aussi sur l'évolution du risque liée à une exclusion temporaire du don lié à des comportements sexuels dans la période précédant celui-ci. Les premières conclusions du groupe ont abouti à un accord pour modifier le questionnaire en supprimant la mention de l'orientation sexuelle et en ne retenant que les comportements sexuels à risque. Il appartient désormais aux experts – qui devront se prononcer dans les prochains jours – d'évaluer la modification du risque transfusionnel résiduel selon la période d'exclusion du don : portera-t-elle sur douze mois, six ou quatre mois après un rapport sexuel à risque ?

En résumé, le dispositif ne relève pas de la loi mais d'un arrêté, et la décision est d'ores et déjà prise de modifier les termes du questionnaire préalable au don et, le cas échéant, de fixer le nombre minimum de mois devant s'être écoulés entre un comportement à risque et le don – point sur lequel nous attendons encore que les experts se prononcent. Voilà la position du Gouvernement ; j'espère avoir répondu aux attentes et aux préoccupations. Si le débat devait avoir lieu dans l'hémicycle, je demanderais le retrait des amendements éventuels, ce sujet ne ressortissant pas au domaine législatif.

À Jean-Louis Touraine, je réponds que je suis favorable à la prescription des substituts nicotiniques par les chirurgiens-dentistes. Je suis également favorable à l'évolution du recueil du consentement au don d'organes, mais il reste à préciser la proposition ; à cet égard, les travaux conduits avec l'Agence de la biomédecine ont permis de progresser de façon significative.

À Philip Cordery et à d'autres, enfin, je précise que les amendements relatifs aux coopérations transfrontalières recevront un avis favorable du Gouvernement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion