Intervention de Laurence Abeille

Séance en hémicycle du 24 mars 2015 à 15h00
Biodiversité - nomination du président du conseil d'administration de l'agence française pour la biodiversité — Explications de vote communes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Abeille :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous allons enfin voter en séance publique ce projet de loi relatif à la biodiversité et aux paysages. Les projets de loi sur la nature et la biodiversité sont rares ; les écologistes se sont donc évidemment beaucoup mobilisés sur ce texte.

Nous le savons, la dégradation de notre environnement et l’érosion de la biodiversité s’opèrent à un rythme soutenu. Le dernier rapport de l’Agence européenne pour l’environnement nous rappelle bien l’urgence de la situation. Ce n’est qu’un des nombreux rapports publiés et ils sont tous plus sombres les uns que les autres. Nous vivons actuellement la sixième crise massive d’extinction des espèces ; la disparition des espèces animales et végétales a lieu actuellement à un rythme 1 000 fois plus rapide que le rythme naturel. L’érosion de la biodiversité, ce n’est pas seulement la disparition d’une espèce animale et végétale remarquable à l’autre bout de la planète, c’est le bouleversement complet de nos écosystèmes – écosystèmes qui nous permettent de produire de la nourriture, d’avoir de l’eau potable, un air de qualité, bref, de vivre.

Surtout, la France a une responsabilité particulière en la matière, avec des territoires d’outre-mer très riches en biodiversité, notamment endémique ; elle possède le deuxième domaine maritime mondial.

Ce projet de loi permettra-t-il à la France de contribuer à la préservation et à la reconquête de la biodiversité ? Nous ne pouvons pas en être certains, mais il va globalement dans le bon sens et la quasi-totalité des mesures qu’il contient sont un plus pour la préservation de la biodiversité.

Nous nous félicitons par exemple de l’inscription du principe de solidarité écologique dans notre corpus juridique, de la nouvelle architecture des instances compétentes en matière de biodiversité et de la création d’outils nouveaux comme les zones prioritaires pour la biodiversité, les obligations réelles environnementales ou encore les réserves de biosphère. Citons également l’application du protocole de Nagoya sur l’accès aux avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles et leur partage, même si nous aurions aimé aller plus loin sur le sujet de la biopiraterie.

Sur certains sujets, par contre, le texte demeure insuffisant. Je pense notamment à la définition de la biodiversité, qui n’est pas adaptée à la vision dynamique des écosystèmes. Je pense aussi au refus d’intégrer dans notre législation le principe de non-régression du droit de l’environnement, ainsi qu’au manque de mesures concernant l’artificialisation des sols et au manque de lisibilité concernant le découpage territorial des politiques de la biodiversité.

Si nous nous félicitons de la création de l’Agence française pour la biodiversité, nous regrettons qu’elle se fasse a minima et que cet organisme n’intègre pas l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS. C’est la principale lacune de cette loi, qui déséquilibre l’Agence en n’y intégrant pas les milieux terrestres. Nous avons longuement débattu de cette question mais je tiens à le répéter : une agence pour la biodiversité sans l’ONCFS, et donc sans capacité à agir sur la biodiversité terrestre, ne sera pas pleinement opérationnelle. Il faudra de toute façon dépasser les résistances du monde de la chasse pour, à terme, intégrer l’ONCFS à l’Agence française pour la biodiversité.

De même, le budget de l’AFB demeure insuffisant à ce stade puisqu’il ne s’agit que du budget consolidé des organismes qui intégreront l’Agence. Comment faire davantage sans moyens supplémentaires ? Si la France veut être le pays de l’excellence environnementale, il faut qu’elle s’en donne les moyens !

Autre sujet d’importance : le statut juridique de l’animal sauvage. La commission avait adopté des avancées précieuses en reconnaissant le caractère sensible de l’animal sauvage – comme c’est le cas pour l’animal domestique – et en étendant aux animaux sauvages les sanctions pénales pour actes de cruauté. Sur ce sujet, nous devons absolument avancer et dépasser encore une fois les résistances de certains lobbies ! Je regrette vivement que l’examen en séance ait entraîné un recul sur ce sujet.

Enfin, nous demeurons très inquiets s’agissant des mécanismes de compensation qui prévoient la possibilité de recourir à des réserves d’actifs naturels, autrement dit à la financiarisation de la biodiversité.

L’examen du texte en séance a permis d’avancer sur plusieurs thèmes. Concernant la biodiversité en milieu urbain, les avancées sont importantes, qu’il s’agisse de la perméabilité des sols ou des toitures végétalisées. Je tiens à rappeler l’importance de la biodiversité urbaine, notamment le rôle de la nature dans l’adaptation de la ville au changement climatique.

L’interdiction des pesticides néonicotinoïdes, qui détruisent nos écosystèmes, est une grande victoire. Nous espérons que cette avancée ne sera pas supprimée lors des prochaines lectures et que le Gouvernement soutiendra cette interdiction générale, qui est le seul moyen de sauver notre biodiversité, en particulier nos insectes pollinisateurs.

S’agissant du chalutage en eaux profondes, je retiens de nos débats que l’interdiction est la seule issue et que la position du Gouvernement est incompréhensible. Cessons de tergiverser ! Le chalutage profond, rappelons-le, ne concerne que quelques bateaux : c’est une activité minuscule, mais c’est un ravage pour nos océans !

Dernier sujet, qui a fait l’objet d’un débat passionnant : les delphinariums, dont l’impact sur la biodiversité est patent puisqu’ils s’approvisionnent en prélevant des animaux sauvages dans leur milieu naturel. Le Gouvernement a pris des engagements forts ; j’espère qu’ils seront tenus.

Pour conclure, je rappelle que nous ne pouvons pas attendre encore plusieurs mois avant l’examen en deuxième lecture, comme ce fut le cas entre l’examen en commission et l’examen en séance. La préservation de la biodiversité et de l’environnement doit devenir l’une des priorités de nos politiques actuelles !

Le groupe écologiste aurait certes souhaité aller plus loin sur ce texte, tant la préservation de la biodiversité est un socle fondamental de notre pensée politique, mais nous reconnaissons pourtant que ce projet de loi va dans le bon sens. Nous voterons pour.

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