Intervention de Alain Tourret

Réunion du 25 mars 2015 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Tourret :

Monsieur le président, votre communication nous permettra de mieux réfléchir à une situation bien difficile.

Nous avons lutté dans notre histoire contre les nihilistes et les anarchistes, qui se rendaient responsables d'atteintes à l'ordre public aussi importantes que celles que commettent les djihadistes. Or il n'a pas été jugé utile, à l'époque, de transformer le code pénal. Une exception a été faite en 1944 : elle n'a pas été reprise lors de la guerre d'Algérie, notamment contre l'OAS, bien que cela eût été concevable.

En 1944, le crime d'indignité nationale vise plus les collaborateurs, dans le cadre de règlements de comptes politiques, que les auteurs de crimes. C'est en 1951 qu'on y a renoncé – il a notamment visé Sacha Guitry et Arletty.

Faut-il prévoir de nouvelles incriminations ? Des peines qui ont disparu pourraient également être réactivées : la déportation, les travaux forcés, les galères, la confiscation des biens, le bannissement ou l'ostracisme. Je rappelle qu'on a beaucoup hésité, s'agissant de l'ex-maréchal Pétain, entre le droit pénal général et le bannissement. Il a été condamné à mort. L'histoire de France compte des bannis célèbres : Villon, Charles X, Déroulède.

Je ne pense pas qu'il faille créer de nouvelles infractions : les moyens prévus, notamment dans le cadre de la future loi sur le renseignement, pour poursuivre ceux qui attaquent à l'heure actuelle la République, me semblent plus efficaces et consensuels.

Faut-il transformer des infractions spéciales en infractions générales ? Ce serait une erreur. Nous devons rester dans le cadre de la loi de 1881 et ne pas passer vers le droit pénal général. Je suis très inquiet de voir qu'on emprisonne de plus en plus pour délit d'opinion : c'est très perturbant. Certes, me direz-vous, Brasillach a été condamné à mort et exécuté pour délit d'opinion : François Mitterrand m'a dit un jour que cette condamnation avait été la pire faute politique jamais commise.

Quant à la perte des droits civils et civiques, elle est déjà prévue : son champ peut être étendu, comme peine principale ou comme peine complémentaire. C'est vers une telle solution qu'il convient à mes yeux de nous orienter si nous voulons être efficaces.

Créer une nouvelle incrimination d'indignité nationale ne servirait pas à grand-chose.

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