Intervention de Hugues Fourage

Réunion du 25 mars 2015 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHugues Fourage :

Les dispositions de votre proposition de loi ont une connotation historique particulière, ce qui rend leur approche délicate. Par ailleurs, dans votre exposé des motifs, vous replacez ce texte dans le contexte des « attentats qui ont frappé la France à Noël et début janvier 2015 ». Il me paraît un peu dommage de lui donner cette tonalité teintée d'émotion. La question de l'indignité nationale n'est pas une simple question de circonstances.

De notre discussion, qui a d'une certaine manière un caractère transpartisan, je retiens deux dimensions principales : la force du symbole et l'efficacité.

Vous écrivez, monsieur le rapporteur, qu'« il serait proprement scandaleux que de tels individus jouissent des bienfaits et des droits attachés à la qualité de citoyen français, alors même qu'ils bafouent les devoirs les plus élémentaires que l'on doit à sa patrie et à la République. » Nous pouvons effectivement nous poser la question de la force symbolique de la loi dans notre République. Elle est fondamentale, beaucoup d'entre nous l'ont évoquée. Doit-on élaborer des lois en raison de leur force symbolique ? C'est tout l'enjeu de cette proposition de loi.

Un argument de Jean-Jacques Urvoas a particulièrement retenu mon attention : « En effet, si les actes commis par les terroristes impliquent bien un rejet de nos valeurs fondamentales et de nos institutions, ils ne constituent pas pour autant en eux-mêmes un courant d'idées contraires auquel se serait ralliée une partie de la population. Il n'y a en France ni guerre civile, ni programme idéologique de substitution d'une nouvelle conception de la Nation justifiant la protection de la conception actuelle par des techniques de disqualification. » Il m'a convaincu qu'il n'était pas nécessaire de recourir à la force symbolique de la loi en adoptant cette proposition loi rétablissant l'indignité nationale.

J'en viens à l'efficacité de la loi. Je ne crois pas, mes chers collègues, qu'en votant une loi de cette nature, on puisse empêcher que des actes terroristes soient commis. De même, je n'ai jamais considéré que la peine de mort pouvait empêcher d'une quelconque manière que des meurtres soient commis. Robert Badinter, dans le discours qu'il a prononcé à l'Assemblée nationale pour défendre l'abolition de la peine de mort, a rappelé que, dans la foule rassemblée devant le palais de justice où se tenait le procès de deux meurtriers, l'un des manifestants qui criait « À mort ! » avait commis lui-même des crimes odieux.

Par ailleurs, il faut se demander si, en dehors des dispositions proposées, les actes visés resteraient impunis. Je constate qu'il existe déjà dans notre droit des moyens de les sanctionner de manière claire et précise. Par conséquent, les nouvelles dispositions portées par votre proposition de loi ne me semblent pas nécessaires.

Je ne la voterai donc pas.

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