Intervention de Catherine Coutelle

Séance en hémicycle du 31 mars 2015 à 15h00
Modernisation du système de santé — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, la délégation aux droits des femmes a souhaité, dès son annonce, se saisir de cette réforme majeure portée par votre projet de loi santé, madame la ministre, car l’égalité réelle passe aussi par la santé. C’est une évidence en matière de droits sexuels et reproductifs ; c’est moins net quand on s’intéresse à la santé des femmes en général.

Nos travaux – je salue Catherine Quéré, co-rappporteure de nos travaux –, traduits en vingt et une recommandations, ont poursuivi deux objectifs : conforter les avancées en matière d’IVG et de santé sexuelle et reproductive ; mieux prendre en compte les enjeux spécifiques aux femmes pour réduire les inégalités de santé sociales et territoriales. J’évoquerai successivement ces deux points.

Deux dispositions concernent directement les femmes et les jeunes filles : la levée des restrictions existantes en matière d’accès à la contraception d’urgence dans le second degré et la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer des IVG médicamenteuses. Ces avancées s’inscrivent dans le prolongement des actions engagées depuis 2012 pour défendre le droit des femmes à disposer de leur corps.

Je tiens particulièrement à saluer, madame la ministre, le plan ambitieux que vous et Pascale Boistard avez présenté en janvier afin d’améliorer l’accès à l’IVG sur l’ensemble du territoire avec une gratuité totale – je le rappelle aux associations qui nous interrogent encore sur ce sujet.

La possibilité de recourir à une IVG est un choix et un droit fondamental pour toutes les femmes. Nous l’avons d’ailleurs rappelé dans cet hémicycle, le 26 novembre dernier, par une résolution signée par tous les groupes. Ces dix dernières années, 50 % des établissements privés ont fermé leur accès à l’IVG. Quarante ans après la loi Veil, des difficultés demeurent : vous êtes en train de les lever. Il est toujours nécessaire de renforcer l’effectivité de ce droit et de simplifier le parcours des femmes.

Traduisant nos recommandations, plusieurs amendements ont d’ores et déjà été adoptés en commission. C’est notamment le cas pour la suppression de l’obligation légale du délai de sept jours de réflexion pour la pratiquer. Je veux juste souligner ici que les femmes n’ont pas besoin d’une obligation légale et imposée pour réfléchir : les femmes sont responsables, elles sont décidées et ont le droit de disposer librement de leur corps. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir confirmé que cela serait inscrit dans la loi.

Au-delà de ces dispositions concernant la santé sexuelle et reproductive, la délégation s’est intéressée aux trois volets du texte : prévention, accès aux soins et innovation. Elle a mesuré qu’en matière de santé des femmes, il y a des vérités trompeuses et des idées reçues, qui conduisent à occulter des inégalités pourtant bien réelles.

Lorsqu’on évoque la question de la santé des femmes, on suscite l’étonnement : les femmes, on le sait, ont une espérance de vie supérieure aux hommes. Alors pourquoi s’en préoccuper ? Parce qu’elles se perçoivent en moins bonne santé que les hommes ; parce que cet écart avec les hommes se resserre de façon significative si l’on considère l’espérance de vie en bonne santé, avec des incapacités, une perte d’autonomie et des maladies liées au vieillissement touchant plus fortement les femmes que les hommes. Elles sont par exemple trois fois plus concernées par la maladie d’Alzheimer.

De plus, outre les maladies spécifiquement féminines comme le cancer du sein, de l’utérus ou l’endométriose, les femmes sont particulièrement exposées à certains risques de santé : risques psychosociaux au travail, troubles dépressifs plus fréquemment diagnostiqués, harcèlements et violences sexuelles et sexistes qui influent fortement sur leur santé, obésité et anorexie.

Je pense également à cet enjeu majeur de santé publique, qui vous tient à coeur, madame la ministre : le tabagisme chez les femmes, qui progresse. Il reste moins élevé que celui des hommes, mais cet écart se réduit, y compris chez les femmes enceintes.

En matière de santé au travail, les accidents du travail pour les femmes ont augmenté de plus de 20 % en dix ans, alors qu’ils diminuent chez les hommes. On observe également une progression deux fois plus rapide des maladies professionnelles reconnues chez les femmes. Sur ce sujet, la délégation a fait adopter plusieurs amendements en commission pour permettre la production de données chiffrées et une meilleure connaissance du phénomène. La santé n’échappe donc pas aux inégalités entre hommes et femmes : l’égalité réelle passe bien par la santé.

Enfin, la délégation a souhaité mettre en exergue les inégalités entre femmes. Oui, les femmes ne sont pas égales devant la santé. Elles subissent des disparités sociales marquées, selon leur niveau de vie et leurs ressources, mais aussi des inégalités territoriales, selon l’endroit où elles habitent, dans l’accès aux soins. C’est précisément parce que ces inégalités se conjuguent et s’amplifient qu’il nous faut adopter une double approche, sexuée et sociale, des politiques de santé.

Plusieurs mesures qui n’apparaissent pas comme spécifiques aux femmes, leur seront très favorables, et je tiens à souligner que la délégation soutient la généralisation du tiers payant, comme une possibilité de contribuer à la lutter contre les inégalités sociales.

Juste avant de conclure, et face aux propos inacceptables à votre encontre, madame la ministre, en tant que ministre et en tant que femme, mais aussi à votre encontre, madame la présidente de la commission, car vous avez également été l’objet de ces propos, je voulais vous renouveler, au nom de la délégation, la condamnation de ces actes, de ces attitudes, de ces paroles et vous redire tout notre soutien : rien ne justifie de telles dérives !

Mes chers collègues, en France et ailleurs en Europe, les droits des femmes ne sont jamais acquis. Émancipation, droit de choisir, effectivité des droits : les valeurs de la République se conjuguent aux droits des femmes pour une société de progrès. Oui, l’égalité réelle passe par la santé. Oui, les droits des femmes avancent avec ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion