Intervention de Bernard Accoyer

Séance en hémicycle du 31 mars 2015 à 15h00
Modernisation du système de santé — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Accoyer :

Madame le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce texte est une double bombe lancée contre notre système de soins : la première bombe réside dans l’étatisation de celui-ci ; la seconde, qui suivra mécaniquement, est le désengagement des régimes obligatoires, saignés par cette étatisation.

Aussi, mes chers collègues, puisque, malgré les enjeux, la majorité de cet hémicycle n’a pas voulu adopter l’excellente motion de rejet préalable défendue par notre collègue Arnaud Robinet, vous conviendrez qu’à tout le moins l’adoption d’une motion de renvoi en commission de ce texte s’impose, si toutefois, madame le ministre, nous voulons légiférer sérieusement.

Il s’agit de prendre acte que le texte n’a pas été travaillé sérieusement et qu’il convient donc de le réexaminer en commission. De nombreuses raisons plaident en ce sens.

D’abord, des raisons de procédure, car les conditions de préparation et de discussion de ce texte constituent une parfaite illustration de ce qu’il ne faut pas faire pour aboutir à un texte travaillé, autrement dit à un texte de qualité : faux-semblant de concertation avec les professionnels de santé, pluie d’amendements gouvernementaux au dernier moment – j’y reviendrai – et procédure accélérée privant le Parlement de l’échange au cours des navettes, malgré l’importance des mesures qui sont contenues dans ce projet de loi. En effet, cette réforme est dangereuse et en somme, madame le ministre, vous prétendez la conduire à marche forcée, l’imposer toutes affaires cessantes.

Il y a une autre raison pour renvoyer ce texte en commission, à savoir l’attitude du Gouvernement envers les professions de santé et leurs représentants. Ce projet de loi a été déposé il y a déjà plusieurs mois, avant toute concertation avec les organisations représentatives des professions de santé. Madame le ministre, auriez-vous procédé de la même façon avec tout autre secteur d’activité ?

Face à la critique quasi unanime des organisations représentatives des professions de santé, face à une manifestation historique, le 15 mars dernier, telle que nous n’en avions pas connue depuis bien longtemps, vous avez annoncé précipitamment, madame le ministre, des bouleversements « importants » – disiez-vous – de ce texte, qui reste cependant largement marqué par votre volonté d’étatisation.

La manifestation du 15 mars a montré l’étendue, la profondeur du fossé entre le Gouvernement et les professions de santé : 91 % des médecins ne vous font pas confiance. Jamais, madame le ministre, un tel record n’avait été atteint. Les professionnels de santé ont bien compris que la pseudo-modernisation de notre système de soins, que vous voulez imposer, n’est qu’une réforme hors-sol, d’essence purement technocratique, qui n’a qu’un but : l’étatisation de notre système de soins. Pourtant, tous les acteurs de notre système de santé s’accordent aujourd’hui sur la nécessité de réformer profondément, voire de refonder notre système de santé, d’organisation des soins, de protection contre la maladie. Mais vous avez choisi une autre voie : celle du passage en force. Votre texte n’est donc qu’un rendez-vous manqué, parce que vous n’avez pas voulu associer réellement les professions de santé à son élaboration.

Madame le ministre, on ne réforme pas un domaine tel que la santé contre ceux-là mêmes qui en sont le coeur. Vous-même êtes tellement consciente de cette absence de concertation, de votre propre insuffisance, que vous avez annoncé le lancement prochain d’une grande conférence de la santé sur l’avenir du métier médical et du mode d’exercice. Dès lors, pourquoi ne pas surseoir à l’examen de ce texte et conseiller à votre majorité d’adopter cette motion de renvoi, jusqu’à l’aboutissement de cette conférence de la santé, si elle a vraiment la portée que vous avez annoncée ?

Mais il y a d’autres motifs de renvoi en commission, à commencer par votre attitude à l’égard du Parlement. Vous avez affiché un réel mépris à l’égard de ce dernier dans le cadre de la préparation de ce texte. Pendant des mois, celui-ci a circulé, et c’est à la dernière minute que des amendements gouvernementaux conséquents, en grand nombre, ont été déposés quasiment nuitamment.

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